Depuis plus de trois mois, les cours du blé évoluent dans une étonnante stabilité. Sur Euronext, l’échéance rapprochée reste enfermée dans un tunnel étroit sans véritable impulsion haussière ni pression baissière. Cette inertie traduit un marché largement approvisionné, où les fondamentaux limitent tout potentiel de rebond. À ce titre les récoltes de l’hémisphère nord ont répondu aux attentes. En Europe, elles progressent même de 20 millions de tonnes (Mt) grâce aux bons niveaux de production retrouvés en France et en Allemagne.

Récolte abondante dans l’hémisphère sud

Ces volumes confortables arrivent au moment où l’Amérique du Sud et l’Australie s’apprêtent à ajouter, elles aussi, des disponibilités importantes. En Argentine, les rendements atteignent un niveau rarement observé depuis quinze ans. Le pays pourrait signer une récolte record de 22 Mt, soit 3 Mt de plus que l’an dernier. Les acheteurs suivent cependant de près la qualité des blés argentins, en particulier la teneur en protéines, parfois mise en question lorsque les rendements dépassent les standards habituels. En Australie, les résultats varient selon les régions. À l’Est, les rendements sont solides mais la qualité apparaît plus irrégulière. À l’Ouest, les conditions climatiques ont été particulièrement favorables, renforçant les anticipations positives. L’ensemble du pays devrait ainsi afficher une production d’environ 36 Mt, dans le haut de sa fourchette historique. Avec ces nouvelles récoltes, les principaux exportateurs mondiaux pourraient porter leurs volumes à un niveau sans précédent, autour de 420 Mt, soit une hausse de près de 8 %.

Face à cette offre abondante, la demande mondiale marque un léger repli. Les acheteurs, moins pressés, laissent les stocks se reconstituer. Ceux-ci pourraient atteindre leur niveau le plus élevé depuis huit ans, accentuant encore la pression sur les origines exportatrices. Cette situation annonce des mois de concurrence soutenue. Les blés sud-américains, dont la compétitivité s’améliore nettement, pourraient retrouver un accès privilégié aux marchés d’Afrique du Nord.

Lors de la prochaine campagne, le report des volumes en stocks chez les principaux exportateurs jouera le rôle de tampon en cas d’incidents climatiques. Pour l’heure, les blés de l’hémisphère nord entrent dans leur phase de dormance hivernale après des semis réalisés dans des conditions satisfaisantes.

Des risques géopolitiques toujours présents

La seule source d’incertitude véritable reste la géopolitique. Le 2 décembre, les menaces de Moscou d’interdire l’accès à la mer Noire à l’Ukraine en cas de nouvelles attaques contre des navires russes ont brièvement animé les échanges. Ces déclarations rappellent que le marché peut réagir rapidement au moindre signal de tension. Pour l’heure, faute d’éléments concrets, la prime de risque reste limitée et le marché continue d’évoluer dans ce calme prudent, guidé avant tout par les volumes disponibles.