Sans problèmes climatiques majeurs à ce jour, les premières perspectives mondiales telles que dessinées par le ministère américain de l’Agriculture (USDA) pour 2025-2026 sont lourdes en céréales. L’avancée positive des négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis apporte un peu de soutien à la Bourse de Chicago tandis que la détente de l’euro par rapport à dollar désormais sous 1,1200 redonne de timides couleurs aux grains européens.
Le blé se stabilise dans un contexte fondamental lourd
Le marché du blé est contrasté. La détente de l’euro rapport au dollar sous les 1,1200 apporte un léger soutien tout comme l’arrivée des importateurs aux achats pour la nouvelle campagne. L’Algérie a ainsi acheté 660 000 tonnes de blé sur juillet. L’Arabie Saoudite lui emboîte le pas avec un appel d’offres pour 655 000 tonnes de blé sur octobre-décembre. Bien que le blé français soit toujours persona non grata en Algérie et ne réponde pas au cahier des charges saoudien, il profite à la marge de ce petit signal de vie sur une scène internationale bien moribonde ces dernières semaines.
Le blé américain n’est pas en reste avec des ventes hebdomadaires particulièrement élevées de 776 000 tonnes sur 2025-2026 obtenues après la forte chute des cours à la Bourse de Chicago qui atteint les –20 % depuis trois mois. Le cours du blé rendu Rouen de la récolte de 2025 sauve ainsi son niveau symbolique des 200 €/t. Il reprend de timides couleurs à 203,50 €/t base juillet, contre 199 €/t il y a une semaine.
La situation fondamentale n’en reste pas moins lourde. Le rapport mensuel de l’USDA a confirmé une remontée significative des stocks mondiaux pour la campagne de 2024-2025. Les exportations de la Russie sont revues à la baisse, tout comme celles de ses concurrents, traduisant un ralentissement global de la demande. Résultat : les stocks au 30 juin 2025 chez les grands exportateurs sont remontés de 2,2 millions de tonnes, pour s’établir à 65,8 millions de tonnes, au plus haut depuis six ans. Ils sont attendus encore plus hauts à 67,8 millions de tonnes au 30 juin 2026.
Les perspectives de hausse de production sont en effet supérieures à la reprise attendue de la demande internationale en nouvelle campagne. Cela détend les marchés et limite l’impact des incertitudes climatiques peu présentes à ce jour.
L’orge soutenue par l’exportation fourrager vers la Chine et le sec sur le nord de l’Europe
Bien qu’évoluant dans un climat céréalier pesant, l’orge fourragère tire son épingle du jeu. Le cours rendu Rouen sur la récolte de 2025 progresse ainsi de 8 €/t depuis deux semaines, à 194 €/t base juillet. Ce marché montre des signes de résilience à la faveur des récents achats d’orge française par la Chine sur l’été pour amorcer le début de la nouvelle campagne à l’exportation et à la faveur de la bonne dynamique à l'exportation française des derniers mois. FranceAgriMer en atteste avec une remontée de 50 000 tonnes de son estimation d’exports d’orge française vers des pays tiers sur 2024-2025, à 2,3 millions de tonnes. Le stock de report est ainsi réduit à 1,16 million de tonnes au 30 juin 2025, soit 10 000 tonnes de moins que l’année dernière.
L’orge brassicole progresse elle aussi et gagne 6 €/t depuis deux semaines à 242 €/t Fob Creil, soutenue par des inquiétudes croissantes sur la sécheresse persistante sur le nord de la France mais surtout sur le Royaume-Uni et la Scandinavie. En France, la sole d’orge de printemps est en recul de 7,2 % sur un an, selon Agreste.
Du côté de la demande, FranceAgriMer confirme une baisse significative de l’utilisation d’orges pour la malterie, estimée à 270 000 tonnes pour 2024-2025, soit –12,6 % par rapport à la campagne précédente. La prime brassicole 2025 se raffermit, reflet d’un marché prudent mais attentif aux risques climatiques.
Un colza tendu mais ballotté au gré des annonces américaines
Derrière la progression hebdomadaire de 3 €/t des cours de la graine de colza à 480 €/t fob Moselle sur la récolte de 2025 se cache une très forte volatilité. La trêve annoncée dans la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a suscité un grand enthousiasme en début de semaine sur les marchés financiers, sur le pétrole et sur les oléagineux, notamment le soja.
Le colza en a profité pour retrouver ses plus hauts niveaux depuis le début d'avril avec également en toile de fond des considérations fondamentales tendues. L’ancienne campagne va se terminer avec des niveaux de stocks de colza et canola très faibles en Europe comme au Canada. Tandis qu’apparaissent les premières inquiétudes sur la nouvelle campagne que ce soit en Ukraine où les gelées d’avril ont fortement affecté les cultures, ou en Australie où le sec actuel pénalise les levées sur le sud du pays.
Le soufflé est quelque peu retombé en fin de semaine. La perspective d’un accord entre les États-Unis et l'Iran sur le nucléaire ouvre la perspective d’un retour en force du pétrole iranien sur le marché mondial provoquant une rechute du baril vers les 60 $ à New York. Les huiles végétales sont également entraînées par une violente rechute de l’huile de soja à la Bourse de Chicago. Les tergiversations de l’administration américaine sur sa politique biodiesel inquiètent de nouveau les opérateurs.
Une offre mondiale abondante en tourteaux de soja
Malgré quelques soubresauts en début de semaine liés à la baisse de l’euro par rapport au dollar jusqu’à 1,1100 et à l’enthousiasme du complexe soja américain à l’écho d’une avancée favorable dans les négociations commerciales entre États-Unis et Chine, le cours des tourteaux de soja s’inscrit en légère baisse sur la semaine. Les tourteaux en délivré montoir cèdent ainsi 1 €/t à 346 €/t et reviennent à proximité de leurs récents plus bas. Rappelons qu’il faut remonter à septembre 2020 pour retrouver de tels niveaux de prix.
La situation est confortable actuellement pour la graine soja ainsi que pour ses tourteaux. Aux États-Unis, les chiffres de la Nopa indiquent que 190,226 millions de boisseaux ont été triturés au mois d’avril 2025, soit un record pour ce mois et une progression annuelle de 12 %. En Argentine, la moisson progresse rapidement, atteignant près de 65 % des surfaces avec de bons rendements, tandis que la Conab au Brésil a revu à la hausse la production brésilienne à 168,3 millions de tonnes.
Dans son rapport mensuel, l’USDA s’est montré optimiste sur les exportations de graine de soja amércains de 2024 et 2025 conduisant à un stock américain révisé en baisse de 0,7 million de tonnes, à 9,53 millions de tonnes sur l’ancienne campagne et attendu en baisse à 8 millions de tonnes sur la nouvelle campagne.
Le bilan mondial de soja n’en reste pas moins confortable avec un stock 2024-2025 à 123,2 millions de tonnes, contre 115,3 millions de tonnes l’année précédente et avec un stock 2025-2026 à 124,3 millions de tonnes, notamment à la faveur d’un nouveau record de production de 175 millions de tonnes attendu au printemps 2026 au Brésil.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : Négociations tarifaires avec les États-Unis ; évolution de la parité eurodollar ; sécheresse sur le nord de l’Europe et en Chine ; dynamisme de la demande mondiale de blé tendre ; compétitivité du blé français ; développement des cultures en mer Noire, en Europe et en Amérique du Nord.