« La situation sur les droits de douane évolue une vitesse faramineuse. Son incidence reste très mesurée sur le monde des céréales mais les équilibres sont malgré tout en train de changer », constate Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé « Grandes cultures » de FranceAgriMer, le 16 avril 2025 en conférence de presse.
L’UE n’est pas un partenaire majeur des États-Unis pour les céréales
Sur les cinq dernières campagnes (de 2019-2020 à 2023-2024), les principaux fournisseurs des États-Unis en céréales (en valeur) sont le Canada (43 %), suivi par la Thaïlande (22 %) et l’Inde (12 %). L'Union européenne (UE) a quant à elle représenté 7 % des importations américaines.
S’agissant des exportations états-uniennes de céréales, le tableau est « plus fragmenté », souligne Julie Garet, cheffe de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer. Au cours des cinq dernières campagnes, les principaux pays destinataires des céréales américaines sont le Mexique (24 % en valeur), la Chine (18 %) et le Japon (14 %). Viennent ensuite le Canada (5 %), la Colombie (5 %), les Philippines (4 %) et la Corée du Sud (4 %). L’UE a, elle, représenté seulement 1 %, tandis que le reste des pays destinataires compte pour 25 %.
« L’enjeu sur les céréales pour l’UE n’est pas dans ses échanges directs avec les États-Unis, mais plutôt comment le marché va se transformer entre les pays qui étaient jusqu’à présent les principaux partenaires des États-Unis », observe Julie Garet.
+ 2 200 % sur un an de maïs américain importé en UE en 2024-2025
Au cours des cinq dernières campagnes, les échanges entre l’UE et les États-Unis ont été fluctuants. En 2021-2022, l’UE a par exemple importé davantage de céréales des États-Unis qu’elle ne leur en a fournis. L’inverse s’est produit en 2023-2024 : l’UE a exporté plus de céréales vers les États-Unis qu’elle n’en a importées.
Et en 2024-2025, à seulement sept mois de campagne, les importations européennes de céréales américaines figurent déjà parmi les plus élevées de ces quatre dernières campagnes. « Il s’agit principalement d’importations de maïs, qui ont comme premier destinataire l’Espagne », décrit Julie Garet. Au 8 avril 2025, pour la campagne 2024-2025 selon les données Taxud, les importations européennes de maïs toutes origines confondues sont en hausse de 13 % par rapport au rythme d’importation de l’an passé, à 16,2 millions de tonnes (Mt). Environ 2,55 Mt sont en provenance des États-Unis, soit une hausse de 2 200 % sur un an (110 500 tonnes de maïs américain importé en 2023-2024 en UE).
« Le maïs était aussi le produit américain majoritaire importé en 2021-2022, mais les volumes étaient inférieurs », commente Julie Garet. En moyenne, l’Italie et l’Espagne sont les principaux destinataires des céréales américaines en UE. « On note également la présence des Pays-Bas et du Portugal », complète la spécialiste.
L’Allemagne est le principal fournisseur européen de céréales aux États-Unis
Sur la même période, les exportations européennes de céréales vers les États-Unis sont « plus contrastées », commente l’experte, qui souligne en 2023-2024 « une forte présence du blé tendre ». L’UE fournit aussi du seigle et de l’orge. À noter en 2021-2022 un volume plus important d’avoine exporté. L’Allemagne est l’un des principaux pays fournisseurs, suivi par la Pologne puis, dans une moindre mesure, l’Italie, « même si les exportations italiennes reprennent un peu sur cette campagne 2024-2025 », souligne Julie Garet. Elle rapporte par ailleurs la présence de la Suède en 2020-2021 et en 2021-2022. « La France est présente, mais de manière beaucoup moins importante que l’Allemagne ou la Pologne », ajoute-t-elle.
Le renforcement de l’euro pénalise les origines européennes
Autre conséquence de la bataille tarifaire pour les céréales, la parité euro/dollar qui a marqué une forte hausse. Le taux de change s’affichait ce lundi 14 avril 2025 à 1,14 (contre 1,04 deux mois auparavant). « Cela rend les céréales européennes moins compétitives et moins attractives sur la scène internationale, et peut freiner les exportations de l’UE », explique Maria Gras, adjointe à la cheffe de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer.
Sur Euronext, les cours du blé sur le rapproché sont fluctuants depuis le 15 mars. Sur cette période, le plus haut niveau a été enregistré le 19 mars à 227,25 €/t. Le 14 avril dernier, la tonne de blé s’affichait à 214,25 €. « Le renforcement de l’euro, lié à l’effondrement du dollar, a pénalisé les origines européennes. Et depuis début avril, on constate une accentuation de la baisse [des prix sur Euronext] qui est associée aux incertitudes sur l’état de la demande mondiale », complète Julie Garet.
Par ailleurs, Donald Trump ayant annoncé une pause de 90 jours sur les droits de douane le 9 avril, l’Union européenne a en retour suspendu sa riposte jusqu’au 14 juillet. Celle-ci prévoyait notamment une hausse de 25 % des droits de douane sur le maïs hors semences importé des États-Unis en UE.