À l’aube de la période de risque climatique printanier, la demande internationale est au cœur des discussions. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord reviennent aux achats de céréales. Le Maroc ne s’est toutefois tourné qu’en partie vers le blé français. Les relations commerciales américaines apportent toujours plus de questions que de réponses, laissant les opérateurs en plein doute.

Le marché du blé reprend son souffle

Le marché du blé reprend son souffle après la récente baisse. La variation hebdomadaire est quasiment nulle aux portes des 220 €/t en base juillet rendu Rouen. Malgré une bonne compétitivité par rapport à ses homologues de la mer Noire, le blé français peine à s’exporter. Pourtant, la demande internationale revient peu à peu, à l’image de l’achat de l’Algérie la semaine dernière, mais aussi de l’Iran cette semaine, qui aurait acquis 500 000 tonnes de blé russe.

À cela s’ajoute la volonté de la Turquie d’assouplir ses restrictions à l’exportation. Ce regain d’intérêt de la part des pays importateurs de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient sur ces niveaux de prix limite le potentiel de baisse des cours. Il faut dire que si les pays ont fortement rationné la demande lors de la précédente campagne, les besoins d’importations seront plus importants dans les prochains mois, notamment en cas de dégradation des potentiels de production d’ici aux récoltes.

À l’entrée du printemps, la période de risques climatiques approche à grands pas et les craintes sont nombreuses dans de nombreux pays. Les conditions sèches persistantes en Russie ne rassurent pas. S’il est encore tôt pour acter de réelles dégradations, les potentiels de rendement pourraient s’effriter, à l’heure où les modèles météo restent au sec. Il en est de même aux États-Unis, où l’humidité des sols recule dans les plaines centrales où sont cultivés les blés d’hiver.

Après un très bon début de cycle, les conditions de culture sont progressivement revues à la baisse, passant cette semaine de 52 % à 48 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions dans le Kansas. Du côté de l’Europe, le retour du soleil permet aux conditions de culture de se stabiliser, avec, à ce jour, 74 % des surfaces françaises en bonnes ou excellentes conditions, contre 66 % l’an passé à cette date.

Un marché brassicole sous pression pour l’orge

Si ces deux dernières semaines, le prix du blé français s’est quelque peu raffermi, ce n’est pas le cas pour celui de l’orge fourragère. Ce dernier se stabilise à 203 €/t rendu Rouen, préservant tout de même son support psychologique des 200 €/t. En effet, la prime portuaire s’est repliée d’environ –10 €/t à –15 €/t. Malgré de meilleures exportations qu’attendu en janvier et février, les exportateurs français cherchent de nouveaux débouchés.

Il faut dire que sur la scène domestique, l’orge de brasserie d’hiver est en partie consommée en fourragère. Face à la faiblesse de la demande du secteur brassicole, la prime brassicole s’est énormément réduite. Cette baisse de la prime portuaire permet ainsi à la céréale française d’être compétitive sur le bassin méditerranéen sur cette fin de campagne.

L’orge est ainsi proposée autour de 234-235 $/t Fob Rouen, contre plus de 240 $/t un mois plus tôt, ce qui est surtout un prix plus attractif que celui des orges de la mer Noire, mais aussi plus compétitif que celles des pays baltes, compte tenu du coût du fret.

Dans le même temps, les opérateurs ne peuvent occulter les perspectives de la future récolte. Déjà au Canada, Statcan estime la sole de 2025 en orges à 6,3 millions d’hectares, en baisse de 2 % sur un an. Pourtant, la récente hausse des tensions commerciales canadiennes avec les États-Unis, d’un côté, et la Chine, de l’autre, pourrait inciter les agriculteurs à changer leurs intentions d’ici aux semis.

En France, Cereobs maintient cette semaine la part des orges d’hiver en bon ou excellent état à 70 %, contre 68 % l’an passé à date. Le temps plus sec de ces dernières semaines aura aussi permis aux semis de printemps de se réaliser, 97 % des surfaces étant désormais emblavées. C’est ainsi que le prix des orges de printemps cède en quinze jours 11 €/t à 218 €/t Fob Creil, son plus bas niveau sur la campagne de 2024-2025.

Les décisions politiques comme facteur d’influence majeur pour le colza

Après avoir chuté de 68 €/t, le prix de la graine de colza Fob Moselle initie une phase de rebond. Les motifs politiques expliquent en grande partie cet important mouvement de repli entre le 28 février et le 17 mars. La mise en place de droits de douane contre les produits canadiens de la part des États-Unis et de la Chine pourrait priver le deuxième plus gros producteur de graines de colza (canola) de ses principaux débouchés. Le retour à 470 €/t a plongé la graine de colza en France sur ses niveaux les plus bas depuis le 23 septembre dernier.

Dans le même temps, en réponse aux sanctions américaines, l’Europe pourrait mettre en place à la mi-avril une taxe à l’importation contre les produits américains. La graine de soja est dans le viseur, ce qui provoque un important rebond du prix des huiles végétales importées sur les livraisons rapprochées.

À Rotterdam, le prix de l’huile de soja gagne près de 200 €/t pour atteindre 1 230 €/t. L’huile de palme, de son côté, bondit également, de 170 €/t, pour s’approcher des 1 300 €/t. Les huiles de colza et de tournesol profitent de ce mouvement pour gagner respectivement près de 50 €/t et 20 €/t. 

Le caractère durable de cette situation dépendra donc, d’une part, de la mise en place ou non des taxes restrictives de la part de l’Europe. D’autre part, l’huile de palme joue un rôle majeur dans la volatilité du complexe oléagineux depuis septembre dernier. Les opérateurs surveilleront l’évolution des stocks en Malaisie et Indonésie à court terme mais également ceux des principaux importateurs tels que la Chine et l’Inde. La fin de la baisse saisonnière de la production des palmeraies dès le mois d’avril pourrait si elle se confirme, jouer un rôle majeur dans la reconstruction des stocks de ces pays.

Soja : guerre commerciale et règlementation européenne

La géopolitique marque de son empreinte le marché des tourteaux. Pour commencer, la mise en place de droits de douane à l’importation entre États-Unis, Chine, Canada, Mexique et même Europe rebat les cartes des échanges à l’échelle mondiale. Le tourteau de canola canadien notamment se retrouve taxé à hauteur de 100 % pour ses exportations à destination de son premier acheteur, la Chine. Fort de cette réorganisation, l’indécision s’installe et se traduit dans la variation des prix de ces dernières semaines.

S’ajoute du côté de l’Europe, un impact non négligeable de la variation des devises. L’euro a gagné entre le 15 janvier et le 15 mars près de 5 points avant de ne retrouver que très récemment le chemin de la baisse en direction des 1,08. Enfin, toujours au sujet du marché européen, la mise en place à partir du 1er janvier 2026 de la loi anti-déforestation RDUE renforce les incertitudes sur les approvisionnements européens en graine et tourteau de soja en provenance de l’Amérique du Sud. Ainsi, au gré des variations quotidiennes, le tourteau de soja délivré Montoir converge en direction des 370 €/t.

Les opérateurs demeurent tout de même vigilants quant aux perspectives de production à l’échelle internationale. La récolte brésilienne a rattrapé son retard de janvier et est maintenant réalisée à hauteur de 70 %. Les attentes d’un volume final de 169 millions de tonnes tendent à se confirmer. En Argentine, le doute persiste bien que les conditions de cultures s’améliorent avec le retour des pluies depuis le début du mois de février.

A suivre : Mise en place des taxes européennes à l’encontre des produits agricoles américains (maïs, soja), taxes chinoises à l’encontre des huiles et des tourteaux de canola canadiens, taxes américaines contre le Canada et le Mexique, suivi des ventes à l'exportation hebdomadaires aux États-Unis, rythme des importations européennes (maïs, colza/canola), évolution de la parité euro/dollar, évolution des conditions de culture des blés dans l’hémisphère Nord, rythme des exportations du blé français, fin des semis et évolution des conditions de culture du maïs safrinha au Brésil.

(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières.