Si les chiffres de production toutes céréales et oléagineux soulignent la tension actuelle, le retard à l’exportation des blés et orges hexagonaux freinent pour le moment tout potentiel de hausse. Face à cela, le repli du canola, du soja et de l’huile de palme accentue la pression sur le colza européen, pour l’heure accaparé par des soucis de navigation sur la Moselle.

Manque de soutien à court terme sur le marché du blé

Après une hausse de 14 €/t au mois de décembre, les cours du blé rendu Rouen tentent de maintenir une certaine fermeté à la fin de la semaine à 226 €/t. Si la récente chute de l’euro face au dollar participe à une meilleure compétitivité pour les blés européens, le chemin à parcourir reste long. Malgré une récente hausse des prix du blé russe, l’écart entre du blé russe 12,5 % et du blé français reste trop important à 8 $/t, comme en témoignent les récents appels d’offres de l’Arabie Saoudite, l’Algérie, ou encore la Tunisie.

Pourtant, les annonces de quotas de la part de la Russie, les perspectives de hausse de taxes à l’exportation du pays, ou encore les traditionnelles tempêtes hivernales freinant les chargements sont autant d’éléments en faveur d’une réduction du flux d’exportations en mer Noire. Si celui-ci a été très important sur le début de campagne, il pourrait en effet se réduire dans les mois à venir. Cette perspective redonne espoir aux opérateurs, dans un contexte de bilan français qui reste lourd, comme l’affiche cette semaine FranceAgriMer. Avec un retard sur les exportations pays tiers affichées en baisse à 3,5 millions de tonnes versus 3,9 millions de tonnes, le mois dernier, le stock prévisionnel de fin de campagne pourrait s’élever à 2,86 millions de tonnes contre 2,79 précédemment.

Sur la scène internationale, les blés de l’hémisphère Sud font l’objet d’attention de la part des opérateurs, avec notamment les révisions de production à la hausse en Australie à 32 millions de tonnes. Les blés argentins, quant à eux, deviennent de plus en plus compétitifs face aux autres origines. Enfin, les risques climatiques en Russie après les fortes gelées sans neige des derniers jours feront l’objet d’attention par le marché, dans un contexte sensible sur Euronext avec des positions nettes vendeuses détenues par les fonds.

Des exportations d’orges françaises revues à la baisse

L’orge fourragère française a finalement réussi à dépasser le seuil psychologique des 200 €/t rendu Rouen à la mi-décembre, remontant jusqu’à 206 €/t au 17 décembre, au plus haut depuis le début du mois de juin dernier. Bien aidé par la hausse du complexe céréalier et de la prime fourragère, cet élan n’aura finalement été que de courte durée, les cours retombant désormais à 199 €/t, sur leur niveau d’il y a quinze jours.

Malgré quelques ventes réalisées à destination du Maroc, le retard à l’exportation de l’origine française limite tout potentiel de hausse sur ce marché. Dans ce contexte, FranceAgriMer projette les stocks prévisionnels d’orges en France au 30 juin 2025 à 1,37 million de tonnes, en hausse par rapport aux 1,29 million de tonnes de l’an passé, signe que les nouveaux débouchés sont rares. Selon ce même rapport, les exportations pays tiers tombent à 2,1 millions de tonnes, une chute drastique de 44,8 % sur un an.

Pourtant, les disponibilités européennes ont été de nouveau abaissées cette semaine par la Commission, dont l’estimation de production en 2024 tombe à 49,4 Mt contre 49,8 Mt précédemment, ce qui est tout de même 1 million de tonnes de moins que le chiffre affiché par l’USDA (ministère américain de l’Agriculture). Cependant, l’office américain dégrade la perspective de demande internationale à l’importation à 26,6 millions de tonnes en 2024-2025, contre 27,1 millions de tonnes le mois précédent, et surtout contre 32,3 millions de tonnes lors de la précédente campagne. En particulier, les importations de l’empire du Milieu sont désormais projetées à 10 millions de tonnes, bien loin des 15,9 millions de tonnes records de l’an passé.

Alors que la fin d’année approche, les regards se tournent vers la prochaine récolte. Agreste estime la sole française d’orges d’hiver à 1,23 million d’hectares, en légère baisse de 0,8 % par rapport aux 1,24 million d’hectares de l’an passé. Les conditions de culture seront donc sous étroite surveillance à la sortie de l’hiver.

Quant au marché des orges de printemps, la volatilité est faible depuis le début du mois de novembre, le prix de la céréale se stabilisant autour de 240 €/t Fob Creil. L’industrie brassicole européenne semble déjà bien couverte pour la fin de campagne. À noter toutefois que la nouvelle campagne est en prime sur l’ancienne. L’orge de printemps 2025 est cotée à près de 250 €/t Fob Creil.

Correction du complexe oléagineux

La volatilité ne se dissipe pas sur le marché du colza. Après être remontée au début de la semaine à 550 €/t Fob Moselle, au plus haut depuis février 2023, la graine rechute à 528 €/t.

Déjà, l’actualité européenne s’attarde sur les problèmes de navigation sur la Moselle. Une écluse temporaire a pu être mise en place afin de sortir l’un après l’autre les 74 bateaux piégés en amont. Toutefois, les travaux de réparation de l’écluse endommagée bloqueront cet axe de commerce entre la France et l’Allemagne. La durée des travaux reste un sujet de discussion et d’incertitude.

Du côté des fondamentaux, la tension européenne se poursuit néanmoins, au vu des faibles disponibilités en graines ou en huiles. D’ailleurs, la récolte de 2024 est une fois de plus dégradée par la Commission à seulement 16,9 millions de tonnes, contre 17,2 millions de tonnes, le mois précédent. Et le tournesol ne peut faire office de substitut après la récolte catastrophique de cette année, l’office abaissant également à nouveau son estimation de production à 8 millions de tonnes, contre 8,1 millions de tonnes, auparavant.

S’il est encore tôt pour évaluer précisément les disponibilités de la prochaine campagne, Agreste offre sa première estimation des assolements français pour 2025. Les surfaces de colza ne sont que très légèrement revues à la hausse : 1,34 million d’hectares contre 1,33 million d’hectares l’an passé.

Cependant, cette tension s’oppose à la pression des opérateurs financiers qui ajustent leurs positions avant la fin d’année et intègrent le repli du canola, de l’huile de palme et du soja. Les perspectives de production records de soja en Amérique latine se conjuguent à la forte baisse de l’huile de palme à Kuala Lumpur, pénalisant l’ensemble du complexe oléagineux. Dans ce contexte, l’huile de colza à Rotterdam cède –4 % de sa valeur sur la semaine, ce qui ne contribue pas à soutenir la marge des triturateurs de colza.

Ralentissement de la tendance baissière pour le soja

La baisse des cours des tourteaux de soja américains entamée le début d'octobre fait maintenant place à une certaine consolidation. Outre-Atlantique, la pression récolte s’est accompagnée d’une activité de trituration très dynamique, engendrant une offre abondante. La Nopa (association nationale des transformateurs d’oléagineux) aux États-Unis affiche de nouveau des chiffres records de trituration, même si l’activité du mois de novembre déçoit quelque peu les opérateurs. La fermeté du dollar affecte la compétitivité de l’origine américaine et le dynamisme des ventes restera sous surveillance, à l’heure où 75 % de l’objectif USDA sont déjà réalisés, en ligne avec les 71 % en moyenne 5 ans.

En Argentine, les semis progressent dans de très bonnes conditions avec 76 % des surfaces emblavées, grâce aux pluies favorables du mois dernier. Le voisin brésilien affiche également de bonnes conditions à date, permettant de relever l’estimation de production d’Argus à 169 millions de tonnes, contre 166 millions de tonnes, pour la Conab (National Supply Company) et 169 millions de tonnes, pour l’USDA. Ces perspectives de production records rassurent les opérateurs du marché, sachant que le début de la récolte est attendu dans les prochaines semaines dans les zones les plus précoces.

En Europe, la tendance baissière en place depuis le début d'octobre aura fait perdre au cours du tourteau de soja à Montoir plus de 60 €/t. Son prix tente toutefois de se stabiliser depuis le mois de décembre, pour s’afficher désormais à 367 €/t sur le spot. Les disponibilités confortables à l’échelle mondiale favorisent les importations sur le Vieux Continent et limitent le potentiel de hausse des tourteaux de soja.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : conditions de culture des blés d’hiver en Russie ; rythme des exportations russes ; compétitivité du blé et de l’orge français sur la scène internationale ; fin de la récolte en hémisphère Sud ; début de la récolte de soja au Brésil ; correction des prix de l’huile de palme ; reprise du trafic fluvial sur la Moselle ; rythme des importations européennes de maïs et colza ; dynamique de la demande chinoise ; hausse du dollar.