La dynamique lancée par la rentrée des acheteurs se poursuit sur les matières premières agricoles qui bénéficient également du soutien apporté par le retour de quelques inquiétudes climatiques.
Forte tension européenne sur le blé
Le rebond se poursuit sur le marché du blé. Ainsi le cours du blé meunier rendu Rouen pour des livraisons sur octobre/décembre gagne 4 €/t en une semaine à 222 €/t. Le marché retrouve ainsi ses niveaux du début d'août dernier. La rentrée des acheteurs depuis deux semaines en France sur le marché domestique européen alimente cette fermeté. Et ce alors que les producteurs poursuivent leur rétention à la vente après une moisson décevante. Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a d’ailleurs confirmé la tension du bilan européen en coupant de 4 millions de tonnes son estimation de production tous blés pour l’UE 28 à 124 millions de tonnes dans son dernier rapport mensuel du 12 septembre. Le stock de blé européen au 30 juin 2025 est attendu par l’USDA à 9,91 millions de tonnes. Il s’agit d’un recul de 32,6 % par rapport aux 14,7 millions de tonnes de la précédente campagne. Mais il s’agirait surtout du plus petit stock de fin de campagne en Europe depuis plus de vingt-cinq ans.
Cette tension fondamentale communautaire permet pour le moment au cours du blé français à l’exportation évalué à 240 $/t Fob Rouen par Argus Media, de se détacher des prix russes et ukrainiens qui ne bougent presque pas depuis un mois à respectivement 217 et 215 $/t Fob. La meilleure tenue des cours du blé est également liée à quelques inquiétudes climatiques. En blé, la Russie est coupée en deux avec un temps trop humide pour la fin de la moisson en Sibérie et trop sec pour le début des semis dans le sud du pays.
En maïs, le sec inquiète pour la fin de cycle sur la Corn Belt. Ainsi, les opérateurs ne valident pas la remontée du rendement américain de 0,5 boisseau par acre (bu/a) affiché par l’USDA sur un nouveau record de 183,6 bu/a. Le sec sur le Brésil et l’Argentine se présente également comme une menace précoce pour les semis de maïs qui débutent.
La demande chinoise comme catalyseur pour l’orge
Bon nombre de rapports ont été publiés ces dernières semaines, ce qui permet d’ajuster les estimations de production et de commerce des principaux acteurs de la filière de l'orge. Tout d’abord, l’USDA ajustait hier la production européenne à 51,5 millions de tonnes, en baisse de 0,5 million de tonnes, intégrant petit à petit les rendements décevants en orges d’hiver sur le nord-ouest de l’Europe. Pour autant, la prime fourragère revient autour de –30 €/t rendu Rouen, après un passage éphémère à près de –20 €/t au début de septembre. L’orge d’hiver en rendu Rouen reste à 189 €/t, contre 187 €/t deux semaines plus tôt. Il faut dire que la demande physique fait toujours défaut. En cause notamment, le manque d’intérêt chinois, qui depuis trois ans représentait plus de 70 % des exportations françaises vers les pays tiers. N’oublions pas que le gouvernement chinois a récemment recommandé à ses importateurs de restreindre leurs achats sur la fin de l’année 2024. L’office américain n’acte cependant pas une baisse des importations de l’empire du Milieu, rehaussant même leur objectif à l'importation de +0,3 million de tonnes à 10,5 millions de tonnes. Dans ce contexte, la dynamique des achats chinois restera l’un des principaux éléments directeurs des cours.
Dans le même temps, la récolte canadienne progresse rapidement, près de 75 % des orges du Saskatchewan ont été moissonnées, contre un peu plus de 50 % une semaine plus tôt. La fin de la récolte sera toutefois à surveiller avec un retour des précipitations sur les principales zones de production. L’USDA alignait son estimation de production au Canada au chiffre de Statcan à 7,5 millions de tonnes, soit une baisse de 1,1 million de tonnes par rapport au mois dernier. À moyen terme, les regards se porteront aussi sur les conditions de culture australiennes, performantes jusqu’à présent. D’ailleurs, l’organisme australien Abares augmente son estimation de production domestique à 12,2 millions de tonnes, en hausse de 13 % par rapport à l’an passé, chiffre également suivi par l’USDA.
Dans ce contexte, l’orge de printemps se stabilise à 239 €/t Fob Creil, en légère hausse de 3 €/t sur les deux dernières semaines.
Des besoins en colza importants pour les triturateurs européens
Revenue au plus bas depuis décembre 2023, la baisse des prix du pétrole est un frein pour le complexe oléagineux. Anticipant une baisse de la demande mondiale, les opérateurs occultent pour le moment le déficit à court terme sur le marché de l’or noir. Face à cela, les huiles végétales peinent à se dynamiser. En Europe, les huiles de colza et de tournesol sont actuellement moins chères que l’huile de palme. Les importations d’huiles végétales restent pour l’heure ralenties. Pourtant, il faut bien noter que les stocks d’huile de palme en Malaisie sont en hausse de 7,3 % en août, à 1,88 million de tonnes, soit leur plus haut niveau depuis six mois. Cela reste toutefois inférieur aux près de 2,1 millions de tonnes de moyenne ces deux dernières années à la même période. Malgré cela, il est important de souligner que les huiles européennes chutent seules, retrouvant de la compétitivité sur le marché unique, dans un contexte de fondamentaux tendus. En effet, les besoins d’importations de l’Union européenne s’annoncent records pour la campagne de 2024-25. C’est ainsi que la graine de colza Fob Moselle ne cède que –7 €/t pour revenir à 466 €/t.
Entre la dernière publication de Statcan et l’annonce de possibles taxes antidumping sur les importations chinoises de canola canadien, les nouvelles estimations de l’USDA étaient attendues. Si l’office américain laisse la production canadienne inchangée à 20 millions de tonnes, contre 19,5 pour son homologue canadien, ses exportations sont abaissées de 0,45 million de tonnes, et les stocks de report rehaussés de 1,2 million de tonnes, à 3,2 millions de tonnes. Les importations chinoises sont, quant à elles, baissées de 0,5 million de tonnes, à 3,4 millions de tonnes.
Afin de satisfaire les besoins des triturateurs européens, un regard sera également jeté d’un côté sur la progression des semis de la nouvelle campagne, marquant pour l’instant un retard en Ukraine, mais également sur les premières coupes de tournesol. Celles-ci ressortent à près de 20 quintaux à l'hectare en Ukraine, au-dessus du consensus après les craintes liées au temps caniculaire sur le pourtour de la mer Noire cet été.
Fermeté des tourteaux de soja
Le prix du tourteau de soja en délivré Montoir est temporairement redescendu sous les 400 €/t sur le spot au cours de la seconde quinzaine d’août, au plus bas depuis novembre 2021. Depuis, ce marché se raffermit, revenant à 423 €/t, en hausse de 9 €/t sur la semaine.
Il faut dire que la récente sécheresse sur l’ouest de la Corn Belt américaine crée quelques incertitudes sur le potentiel de production américain. Pourtant, l’USDA ne modifie pas ses prévisions de rendement qui restent au niveau record de 53,2 bu/acre, pour une production affichée en très légère baisse à 124,8 millions de tonnes. Dans le même temps, les acheteurs sont petit à petit revenus aux achats. En particulier, le récent retour des acheteurs chinois a permis à la graine US de se raffermir. Les nouvelles ventes export américaines hebdomadaires restent soutenues avec près de 1,5 million de tonnes sur la campagne de 2023-24, et près de 2,5 millions de tonnes sur 2024/25, ce qui dépasse la fourchette haute des attentes des opérateurs. Cette bonne dynamique s’appuie notamment sur la baisse des disponibilités exportables brésiliennes. Bien que largement derrière nous, la taille de la récolte brésilienne alimente encore les discussions, l’USDA s’attendant à une production de 153 millions de tonnes de soja, soit plus que les 147,4 millions de tonnes de l’institut Conab au Brésil, dont l’estimation a été reconduite cette semaine. Pourtant, ce sont davantage les semis de la nouvelle récolte qui concentrent l’attention des opérateurs, alors que s’ouvre la période pour commencer les travaux des champs après plusieurs semaines dans le sec.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : Fin de cycle des maïs et soja aux États-Unis, début de la récolte de maïs ; Avancée des semis de maïs et soja en Amérique latine ; Avancée des semis de blé et colza en hémisphère nord ; Dynamisme de la demande chinoise tous produits ; Rythme des exportations de blé mer Noire ; Rythme de trituration en Europe et aux États-Unis ; Faiblesse des prix du pétrole.