Maintenant que les cultures d’hiver sont en grande partie récoltées au sein de l’hémisphère Nord, l’attention se porte de plus en plus sur l’évolution du commerce mondial. Malgré une accélération des ventes export US de maïs et soja, et de meilleures exportations de blé mer Noire en août, les doutes persistent. Entre tensions géopolitiques croissantes avec le Canada, achats de céréales ralentis sur ce début de campagne, la Chine aura un rôle clé dans l’évolution des prix sur les prochains mois.
Le regain de fermeté se maintient sur les cours du blé
Une forte volatilité est à noter depuis dix jours, avec un rebond de 14 €/t depuis le 28 août 2024, laissant maintenant place à un essoufflement depuis jeudi 5 septembre. Ainsi, le cours du blé à Rouen s’affiche à 206 €/t en cette fin de semaine, dans un contexte de stabilité des prix russes. Ces derniers manquent en effet de nouveaux éléments de soutien, malgré la récente hausse des marchés européens et américains. Le rebond de demande aux États-Unis, ainsi que la dégradation des productions de céréales maintenant acquise en Europe, ont en effet soutenu le marché au début du mois. L’AGPB (Association générale des producteurs de blé) estime d’ailleurs la récolte française à seulement 25,98 millions de tonnes, en baisse de 26 % sur un an.
Cependant, du côté de la mer Noire, les importants volumes d’exportations font pression sur le marché, à l’instar de l’Ukraine dont les flux s’affichent à 3,78 millions de tonnes depuis juillet. La période des semis de colza du pays est entamée, mais des conditions sèches pourraient pénaliser l’assolement des colzas au profit du blé, dont la surface pourrait alors dépasser les 5 millions d’hectares pour la prochaine campagne.
Par ailleurs, au niveau mondial, le rationnement de la demande anticipée sur la campagne, notamment du côté de la Chine, laisse présager des flux globalement réduits. À cela s’ajoutent les questions géopolitiques, avec de nombreuses interrogations concernant les futures alliances commerciales. En Australie, les conditions météorologiques s’améliorent, avec maintenant un potentiel de production affiché en hausse à 31,8 millions de tonnes, selon Abares (Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics and Sciences), à comparer à 29,1 millions de tonnes lors du dernier rapport, et en nette hausse par rapport aux 26 millions de tonnes de l’an passé. Ainsi, le très regardé niveau de stock de fin de campagne des huit principaux exportateurs de blé dans le monde remonte de 59 à 61 millions de tonnes, réduisant un peu la tension sur le bilan mondial. Enfin, les regards se tourneront les prochaines semaines vers les conditions climatiques d’Amérique du Sud, avec en Argentine des qualités de blé stables notées « normales à excellentes » à 82,6 %.
Rebond des prix du maïs avant le début des récoltes dans l'hémisphère Nord
Après être redescendu sous les 190 €/t à la fin d'août, au plus bas depuis la mi-avril dernier, le maïs français a regagné en fermeté. À 198 €/t rendu Bordeaux, il ne parvient cependant pas à franchir le seuil des 200 €/t.
À l’approche des moissons au sein de l’hémisphère Nord, quelques points d’incertitude demeurent. Les zones de culture sur le pourtour de la mer Noire, aussi bien en Ukraine qu’en Europe de l’Est, ont été impactées par un temps particulièrement caniculaire depuis le mois de juillet. À l’inverse en France, la part des surfaces en bon ou excellent état se stabilise à 79 %, ce qui reste au-dessus des 67 % en moyenne ces cinq dernières années. Outre-Atlantique, le maïs US dispose, quant à lui, d’une note hebdomadaire de 65 % de bons à excellents, en léger recul ces dernières semaines en raison du sec sur l’ouest de la Corn Belt, mais toujours suffisante pour établir un nouveau rendement record. Dans le même temps, les ventes export de maïs US se sont accélérées en août. C’est dans ce contexte que les opérateurs financiers ont racheté une partie de leurs positions sur les marchés à terme, soutenant le récent rebond des cours. Toutefois, cette bonne dynamique à l'exportation devra se maintenir au cours des prochains mois, afin de continuer à alimenter la hausse des prix. Et pour l’instant, la faiblesse de l’économie chinoise et le ralentissement de ses achats en céréales constituent un des principaux facteurs limitants à court et moyen terme.
Il ne faut tout de même pas oublier que les disponibilités exportables d’Amérique latine sont moins importantes cette année. D’un côté, le Brésil augmente sa production d’éthanol à base de maïs. De l’autre, l’Argentine, qui vient de terminer sa moisson, voit sa production à seulement 46,5 millions de tonnes, selon la Bourse de Buenos Aires, en baisse de près de 10 millions de tonnes par rapport aux premières estimations à la suite d'une forte pression maladie. Cette dernière pourrait d’ailleurs limiter les intentions de semis qui débuteront dans les prochaines semaines.
Le colza européen résiste aux tensions croissantes entre le Canada et la Chine
Si la graine de colza a légèrement regagné en fermeté cette semaine, passant de 467 €/t à 473 €/t Fob Moselle, cette hausse modérée cache une forte volatilité des cours ces derniers jours. En effet, le gouvernement chinois a annoncé vouloir mettre en place des taxes sur l’importation du canola canadien. L’empire du Milieu réagit à la surtaxe de 100 % sur les importations de véhicules électriques chinois au Canada. Il faut dire que la Chine est le principal débouché à l’exportation du premier exportateur mondial de canola, ce qui entraîne logiquement beaucoup d’interrogations sur la bascule des flux mondiaux. La moisson canadienne avance également, 16 % des surfaces étant déjà récoltées contre 8 % une semaine plus tôt dans le Saskatchewan, un temps sec sur les deux prochaines semaines devant aider cette progression. À ce contexte fondamental, s’ajoute le retour des prix du pétrole WTI au plus bas depuis décembre 2023, également pénalisés par la faiblesse de la demande chinoise.
Face à ces éléments, le colza européen fait preuve d’une surprenante fermeté, soutenu par le manque de disponibilités sur son territoire, et le rebond des huiles végétales. Des importations records de graines pourraient être nécessaires au sein de l’Europe des 28. Celles-ci sont pour l’instant estimées à 7,2 millions de tonnes par l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) et pourraient être revues en hausse dès leur rapport mensuel de la semaine prochaine.
Dans le même temps, les regards se porteront sur la progression des semis dans l'hémisphère Nord. En Ukraine, 446 000 ha de colza ont été semés au 2 septembre, en retard par rapport aux 665 000 ha déjà semés à la même date l’an passé. Ainsi, après un temps particulièrement sec, le retour des précipitations est très attendu pour permettre une accélération des travaux des champs.
Poursuite du rebond des tourteaux de soja
Le marché des tourteaux de soja a profité de la zone de support des 400 €/t pour rebondir ces dernières semaines, s’affichant en hausse hebdomadaire de 7 €/t, à 414 €/t.
La récolte de soja aux États-Unis est toujours attendue sur un niveau record, autour de 125 millions de tonnes, selon l’USDA. La hausse des surfaces et les conditions climatiques favorables tout au long du cycle apportent beaucoup d’optimisme sur les potentiels de rendement. Pour autant, cette information semble désormais intégrée par les opérateurs du marché et les conditions plus sèches sur la fin du cycle posent quelques questions. Les notations de culture ont par ailleurs été revues en baisse de 2 points à 65 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, tout de même en forte hausse par rapport aux 53 % de l’an passé à cette date. La progression des récoltes sera à suivre, à l’heure où la demande se dynamise sur la nouvelle campagne.
L’origine américaine a regagné en compétitivité par rapport au soja brésilien et des ventes sont régulièrement annoncées à destination de la Chine. La poursuite de cette demande sera à suivre et les regards se tourneront ensuite vers le Brésil. Les semis doivent débuter à la mi-septembre et les réserves hydriques sont toujours faibles. Le retour des pluies n’est pas attendu dans les deux prochaines semaines et les températures devraient rester proches des 40°C dans la majeure partie de la zone de production. Si les volumes attendus au Brésil sont théoriquement annoncés sur des niveaux historiques, la route est encore longue jusqu’aux récoltes.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : avancée des récoltes au Canada ; évolution des conditions de culture en Australie et en Argentine ; compétitivité des blés mer Noire ; dynamisme de la demande mondiale, en particulier celle de la Chine ; semis de soja au Brésil, semis de maïs en Argentine ; rythme des importations de colza/canola en Europe ; faiblesse des prix du pétrole.