En Europe et en Amérique du Nord, ce sont de fortes précipitations et le manque de rayonnement qui endommagent les cultures. Du côté de la mer Noire, la sécheresse puis le gel et enfin les fortes chaleurs viennent bousculer le cycle de développement du blé.
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Nouvelles dégradations des conditions de culture de blé en France
Les cours du blé se sont consolidés cette semaine, s’affichant à 251 €/t en base juillet rendu Rouen, avec une variation hebdomadaire nulle mais un plus haut touché en début de semaine à 261,50 €/t. Le marché parvient pour le moment à conserver la tendance haussière en place depuis le mois de mars. Il faut dire que la période de risques climatiques bat son plein actuellement et les prévisions météorologiques à 15 jours ne rassurent pas.
En Europe de l’Ouest, les pluies incessantes et surtout le manque de rayonnement en cette période de floraison ne sont pas favorables pour la fertilité du blé. Les conditions de culture en France ont une nouvelle fois été revues en baisse de 2 points, avec désormais 61 % des cultures en bonnes ou excellentes conditions, loin des 91 % de l’an passé à cette date. Dans ce contexte, les perspectives de production sont peu encourageantes et s’affichent désormais en dessous de 30 millions de tonnes en France, contre 35 millions de tonnes en 2023.
Ailleurs dans le monde, les regards se tournent également du côté de la région de la mer Noire, et notamment la Russie. Entre le sec dans le Sud, les dégâts de gel dans le Centre et les pluies dans la zone de production de blé de printemps, aucune région n’est épargnée et les estimations se rapprochent progressivement des 80 millions de tonnes, soit des pertes de plus de 10 millions de tonnes par rapport aux premières estimations.
Du côté de la demande, les importateurs mondiaux se montrent patients avant de lancer les premiers appels d’offres sur la nouvelle campagne. Selon une source gouvernementale, l’Inde étudierait tout de même la levée des taxes à l’importation de blé à partir du mois de juin. Les disponibilités réduites en Inde obligent le pays à se repositionner sur le marché mondial.
Enfin, en Europe, l’écart de prix déjà important entre le blé et les autres céréales fourragères va permettre de limiter la consommation en alimentation animale. Le potentiel de hausse à court terme pourrait être limité par la situation plus confortable attendue en maïs mais cette période de risque climatique est loin d’être terminée.
Retard sur les semis de maïs en France
Le marché du maïs se consolide à hauteur de 210 €/t Fob Bordeaux, après avoir marqué un nouveau plus haut niveau à 217 €/t mardi dernier. Revenant sur une tranche de prix abandonnée depuis septembre 2023, les cours ont repris près de 40 €/t sur les trois derniers mois.
La période de risques climatiques est toujours en place, à l’heure où les semis de l’hémisphère Nord se rapprochent de leur terme. Malgré de lourdes précipitations au cœur de la Corn-Belt aux États-Unis, les semis de maïs sont finalisés à 83 %, en ligne avec la progression moyenne des dernières années de 82 % à cette date. Les agriculteurs américains profitent des moindres jours praticables pour semer des surfaces exceptionnelles par tranche de 24 heures.
En Ukraine, 100 % des 3,9 millions d’hectares attendus par le ministère de l’Agriculture ont été emblavés, à l’heure où les exportations du pays continuent à plein régime. Pour autant, les travaux ont pris du retard en Europe, et plus particulièrement sur l’Hexagone. En effet, les semis français ne sont réalisés qu’à hauteur de 85 %, contre 77 % la semaine précédente, accusant du retard sur le rythme des dernières années, et notamment de 2016. FranceAgriMer dégrade également sa notation des cultures à 83 % de bons à excellents, une chute de 2 points sur la semaine.
À l’échelle européenne, la Commission revoit son estimation de production pour la nouvelle récolte à 68,6 millions de tonnes, contre 69 millions de tonnes précédemment. À plus long terme, il sera intéressant de se tourner du côté de la demande. L’écart de prix toujours important avec le blé favorisera la consommation de maïs dans les formulations en alimentation animale. Dans le même temps, les importations du Mexique seront sous surveillance, à l’heure où la sécheresse en place accentue de plus en plus les craintes des opérateurs locaux.
L’écart se creuse entre colza européen et canola canadien
La consommation de graine de colza est encore importante en Europe et au Canada. Du côté de la trituration européenne selon les chiffres de la Fediol (industriels européens des huiles végétales), 1,6 million de tonnes de graines ont été triturées en avril, soit un record pour ce mois. Du côté canadien, la situation est similaire puisque la consommation dans ce domaine atteint 958 000 t.
Les disponibilités en matières premières diminuent à l’approche de la nouvelle récolte. Cette situation est d’autant plus préoccupante au regard de la chute de production attendue en Europe. Cette dernière pourrait à peine dépasser les 19 millions de tonnes, ce qui entraînerait, d’une part, une hausse des besoins d’importations et, d’autre part, un rationnement de son débouché. À ce premier sujet, l’écart de prix entre la graine de colza Fob Moselle et la graine de canola Fob Vancouver retrouve son niveau le plus haut depuis deux ans. Ce gain de compétitivité canadien freine la hausse de la graine européenne qui cède 12 €/t au cours de la semaine pour atteindre 478 €/t Fob Moselle.
Néanmoins, la période de risque climatique est encore longue au Canada puisque les semis ne sont pas encore totalement terminés. Dans l’État du Saskatchewan, 71 % de la surface a été emblavée à ce jour. La situation australienne sera également sous surveillance alors que les semis débutent et que la sécheresse persiste. Face à cette tension qui s’installe en Europe, l’huile de colza Fob Rotterdam se stabilise à plus de 1 000 €/t et évolue en prime de +50 €/t par rapport à celle de tournesol.
Nouvelle taxe sur les tourteaux russes
Le tourteau de soja délivré Montoir a atteint de nouveaux niveaux plus hauts à 469 €/t en milieu de semaine avant de retrouver les niveaux de la semaine passée à 455 €/t ce vendredi. En effet, après une hausse de 30 €/t depuis la fin du mois d’avril, le marché tend à se stabiliser. Il faut dire que les inquiétudes climatiques pèsent aussi sur le bilan du soja. S’il est annoncé confortable, la nervosité des opérateurs demeure présente face aux éventuels aléas climatiques qui pourraient venir toucher la production mondiale.
En Argentine, 86 % de la récolte a été réalisée et la production est toujours estimée à 50,5 Mt, deux fois plus que l’an passé. Aux États-Unis, les semis ont progressé à hauteur de 68 %, en avance par rapport à la moyenne quinquennale qui se place à 63 %, et ce malgré les pluies qui s’abattent sur les champs américains. Au Brésil, les opérateurs sont inquiets quant aux pertes de surfaces potentielles qu’ont engendrées les inondations au Rio Grande do Sul. Celles-ci sont toutefois difficiles à quantifier et les perspectives de production restent hétérogènes entre la National Supply Company (Conab, Brésil) et le ministère américain de l’Agriculture (USDA). Les prochains rapports de juin seront donc scrutés de près par les opérateurs. Les manques sud-américains pourraient être compensés par de nouvelles ventes américaines.
Enfin du côté politique, la Commission européenne a validé hier l’application de droits et tarifs douaniers prohibitifs sur les céréales, oléagineux et dérivés russes et biélorusses. Un taux ad valorem de 50 % sera ainsi appliqué aux tourteaux originaires de ces pays à partir du 1er juillet.
À suivre : conditions de culture dans l'hémisphère Nord, températures élevées à surveiller en Russie, évolution des semis de maïs en Europe et aux États-Unis, semis de canola, blé et orges canadiens et australiens sous surveillance, productions argentine et brésilienne de soja, prix des huiles végétales, rythme de trituration au Canada, aux États-Unis et en Europe.