Depuis trois semaines, les risques climatiques sur la récolte russe ont entraîné une hausse des prix des céréales. Tous les regards se portent alors sur les zones de production de l’hémisphère Nord. Entre semis de maïs et rendement de blé, les Etats-Unis attirent l’attention et tentent de rassurer tant bien que mal les opérateurs. Du côté des oléagineux, soja et colza évoluent avec des estimations contraires. Entre lourdeur et tension, les cours s’accordent sur un mouvement de consolidation
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Blé : rendement au plus haut depuis 2021 au Kansas
Un premier regard quantitatif est apporté sur la future production de blé. La publication du département de l'Agriculture des États-Unis (USDA) du 10 mai 2024 a notamment mis en lumière la tension extrême sur les stocks de report des principaux exportateurs.
À la fin de la campagne de 2023-2024, ces derniers sont estimés à 59,5 millions de tonnes, soit leur niveau le plus bas depuis dix ans. La sensibilité de la campagne de 2024-2025 à la nouvelle récolte augmente entrainant avec elle une forte volatilité des prix en raison du risque climatique. Après l’Europe cet hiver, la Russie se retrouve au cœur des attentions. Selon le ministère de l’Agriculture russe, 1 % de la surface de blé est concerné par les gelées de la fin d'avril, soit 836 000 ha.
L’USDA a même créé la surprise en publiant avant cette annonce une production de 88 millions de tonnes. Les modèles météo sont scrutés de près par les opérateurs au regard du déficit hydrique toujours présent dans le centre et le sud du pays. Aux Etats-Unis, les perspectives sont plus optimistes.
Le Kansas Crop tour qui se déroulait au cours de la semaine du 12 mai conclut à un rendement de 46,5 bu/acre (boisseaux par acre). Cette estimation dépasse nettement la moyenne sur 5 ans de 42,4 bu/acre. Fort de ces éléments, le blé rendu Rouen atteint son plus haut niveau depuis juillet 2023 le 14 mai à 253 €/t avant de se replier de 10 €/t à la fin de cette semaine. Toute nouvelle évolution dépendra des prévisions météorologiques chez les principaux pays producteurs de blé mais également du maïs américain qui accuse un léger retard dans les emblavements.
Maïs : regards tournés vers la production américaine
Les inquiétudes qui pèsent sur le complexe céréalier, et notamment sur les blés en Europe continentale, incitent les cours du maïs à conserver leur fermeté. Ainsi et malgré un bilan confortable, le maïs voit ses prix augmenter de 9 €/t depuis vendredi dernier, repassant au-dessus du seuil des 200 €/t en rendu Bordeaux base juillet. En effet, l’offre mondiale de maïs se précise.
La différence entre les analystes américains et brésiliens quant à la production de l’Amérique latine de maïs se resserre. D’un côté le dernier rapport de l’USDA a montré une réduction de la production sud-américaine de 6 millions de tonnes, à 53 millions de tonnes en Argentine et 122 millions de tonnes au Brésil. La National Supply Company (Conab, Brésil), quant à elle, a fait un pas en avant vers l'office américain en rehaussant ses estimations. Les potentiels de production de maïs brésilien ont été revus en hausse de 700 000 t, à 111,6 millions de tonnes, majoritairement en raison de la révision à la hausse des surfaces de 236 000 ha.
En revanche, la situation argentine continue d’inquiéter les opérateurs. Le dernier rapport de la Bolsa de Cereales montre que le maïs argentin continue de se détériorer, avec plus que 54 % de maïs en normal à excellent état, soit 4 points de moins que la semaine passée. Pour contrebalancer cette perte de production dans le commerce mondial, les exportations américaines et ukrainiennes devront se redynamiser, comme le souligne l’USDA en augmentant les exportations de ces deux pays de respectivement +1,5 Mt et +1,3 million de tonnes.
Tous les regards se portent alors vers les semis américains. Pour le moment, les pluies excessives dans la Corn Belt ralentissent les travaux dans les champs. Ainsi, seuls 49 % des maïs américains ont été semés au 12 mai, contre 54 % en moyenne sur 5 ans. En France, les semis sont avancés à hauteur de 72 % selon FranceAgriMer, contre 54 % la semaine dernière, toujours en retard de trois semaines par rapport à la moyenne quinquennale.
Colza : légère correction après rebond de la graine de colza au niveau des prix de juillet 2023
Après une remontée à 484 €/t au début de la semaine, son plus haut niveau depuis le pic de juillet 2023, la graine de colza Fob Moselle cède du terrain, revenant ce vendredi à hauteur de 472 €/t.
Ce repli s'inscrit après un retour de l’intérêt vendeur, ces niveaux de prix étant à près de 70 €/t des plus bas niveaux de février dernier. A cela, il faut ajouter les prises de profits sur le marché de l’huile de palme à Kuala Lumpur et la lourdeur fondamentale affichée par l'USDA sur le soja, enrayant ainsi le mouvement de hausse.
Pour autant, une incertitude fondamentale reste de mise sur les perspectives de la nouvelle campagne. La récolte de colza de 2024 au sein de l’Union européenne des 27 est projetée à seulement 19 millions de tonnes par l’USDA, en baisse de 1 million de tonnes sur un an, à l’heure où les stocks de début de campagne sont eux aussi réduits de 1 million de tonnes. Dans ce contexte, les importations de la zone unique sont obligatoirement rehaussées à 6,6 millions de tonnes, un second plus haut niveau historique derrière la campagne de 2022-2023. Ainsi, les perspectives de production en Ukraine, Australie et Canada seront particulièrement scrutées de près.
D’ailleurs, après un bon début, les pluies sur les prairies canadiennes retardent les semis, que ce soit au Saskatchewan ou en Alberta. En Australie, l'ouest et le sud du pays font face à un sérieux déficit hydrique qui soulève de plus en plus l’inquiétude des opérateurs locaux. A noter toutefois que les prix du canola ukrainien sont déjà compétitifs pour alimenter les besoins d'importation du début de campagne européen.
Soja : consolidation des tourteaux de soja
Les prix des tourteaux de soja se stabilisent cette semaine autour de 455 €/t en spot délivré Montoir, en légère baisse de 3 €/t sur la semaine. Si une tendance haussière se dessine depuis le début du mois d’avril, dans le sillage de l’ensemble du complexe oléagineux, le potentiel de hausse des tourteaux est limité par les disponibilités confortables de soja attendues en nouvelle campagne.
Dans son rapport mensuel de la semaine dernière, l’USDA reste conservateur sur les potentiels de production en Amérique du Sud, en laissant la production inchangée à 50 millions de tonnes en Argentine. Dans le même temps, la récolte brésilienne est abaissée de seulement 1 million de tonnes, à 154 millions de tonnes, malgré les pluies excessives et les inondations dans le Rio Grande do Sul, qui concentre 14 % des surfaces nationales de soja.
Les perspectives de production restent encore incertaines, à l’heure où l’organisme local de la Conab (Compagnie nationale d’approvisionnement du Brésil) affiche un chiffre de 147,7 millions de tonnes. Les regards se tournent de plus en plus du côté des Etats-Unis. La bonne rentabilité du soja ces derniers mois offre davantage de surfaces en 2024 et la production est pour le moment attendue à 121,1 millions de tonnes, tout proche du record de 121,5 millions de tonnes de 2021.
Les semis progressent rapidement, réalisés à hauteur de 45 % au 12 mai, contre 34 % habituellement à cette date. Les pluies régulières rassurent mais l’évolution des conditions climatiques sera déterminante dans les prochaines semaines. Dans ce contexte, l’évolution de l’activité de trituration restera sous surveillance. Très dynamique depuis le début de la campagne, la trituration de soja aux Etats-Unis a chuté à 4,5 millions de tonnes en avril, contre 5,3 millions de tonnes en mars. Cette activité devrait tout de même se dynamiser du côté de l’Amérique du Sud, où les volumes continuent d’arriver sur le marché.
Conditions de culture en Europe de l’Ouest, dans le sud de la Russie et aux Etats-Unis, évolution de la production de maïs en Argentine, niveaux de trituration à surveiller faisant suite à la baisse du mois d’avril aux Etats-Unis, productions argentine et brésilienne de soja, semis américains, canadiens et européens sous surveillance.