Le maïs européen répond à la baisse de production en Argentine et à son besoin de perdre en compétitivité face à l’origine brésilienne pour faciliter les importations au cours de l’été. Le blé est également moteur en raison des productions des principaux pays exportateurs de l’hémisphère Nord, fragilisées par les conditions météorologiques. Enfin, du côté des oléagineux, l’huile de palme se replie fortement tirant à la baisse le complexe. La tension qui s’installe sur le bilan mondial de colza permet aux prix en Europe de se stabiliser.
Dégradation des conditions de culture chez les exportateurs de blé
L’équilibre du bilan mondial de blé est menacé en cette période de risque climatique. Chez les importateurs nord-africains, les productions algérienne, marocaine et égyptienne pourraient être décevantes en 2024. Les besoins d’importation grandissent dans un contexte de tension sur leurs propres stocks de fin de campagne. L’Inde également pourrait être sujette à des importations pour la première fois depuis 2017.
Face à une dépendance croissante de la demande aux futures récoltes des principaux exportateurs de blé de l’hémisphère Nord, la volatilité augmente face à des conditions météorologiques incertaines. Les régions du sud de la Russie souffrent d’un déficit hydrique qui s’accompagne de fortes chaleurs et d’un vent desséchant néfaste pour les cultures en terre également appelé « Sukhovey ». Toute perte dans cette région du monde viendra perturber le commerce mondial, aujourd’hui dépendant à plus de 30 % des exportations russes.
En Ukraine, la récolte estimée à 19,93 millions de tonnes, selon Argus Media, est donc attendue en baisse de 11 % par rapport à 2023, limitant mécaniquement le disponible exportable. Aux États-Unis, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) diminue de 5 points les surfaces de blé d’hiver jugées dans un bon à excellent état, passant ainsi de 55 % à 50 %. Enfin, l’Union européenne a été la première victime de conditions météorologiques défavorables au développement du blé.
En France, CereObs revoit, en baisse par rapport à la semaine dernière, de –1 point ses surfaces de blé tendre jugées dans un état bon à excellent, à 64 % contre 94 % l’an passé à date. Après quatre semaines d’hésitation et de stabilité sur les prix, le blé français reprend donc le chemin de la hausse. Le rendu Rouen base juillet gagne +12 €/t au cours de la semaine pour atteindre 213 €/t à son plus haut niveau hebdomadaire.
Vers une offre mondiale relativement stable en orge
L’ensemble du complexe céréalier accompagne la hausse du blé et du maïs. Du côté du marché à l'exportation, la prime de l’orge fourragère à Rouen sur la récolte de 2023 se stabilise sur son niveau le plus haut depuis plus d’un an, à –12 €/t. Les chargements à destination de la Chine depuis le mois de mars soutiennent les prix portuaires.
La demande chinoise d’orge, attendue à moins de 10 millions de tonnes par l’USDA sur la campagne en cours, semble nettement sous-évaluée, puisqu’à la fin du mois de mars, les importations atteignent déjà près de 9 millions de tonnes. Celle-ci devrait rester présente en 2024-2025. Restera désormais à surveiller quelles origines seront privilégiées depuis la reprise des échanges entre la Chine et l’Australie et l’ouverture de ce marché à l’Argentine.
Les opérateurs sont également vigilants quant à l’évolution des perspectives de production sur la prochaine récolte. En Australie, une hausse de 3 % de la production est attendue alors que les semis pour les cultures d’hiver débutent. Au Canada, StatCan actualisera le 7 mai prochain son estimation de surfaces attendue dans son premier rapport, à 7,13 Macres contre 7,32 Macres en 2023.
Enfin, en orge d’hiver en France, les conditions de culture se dégradent de 1 point, selon FranceAgriMer, par rapport à la semaine passée. 66 % des surfaces sont jugées dans un état bon à excellent contre 91 % l’an passé à la même date. Les orges de printemps récemment semées profitent d’un début de cycle plus favorable permettant à l’institut français de relever de 10 points sa notation par rapport à la semaine précédente, désormais jugée à 73 % dans un état bon à excellent. La route est encore longue en orge de brasserie de printemps et seule une partie des semis européens a été réalisée jusqu'à ce jour, ce qui permet aux prix Fob Creil de se stabiliser à 260 €/t.
Forte trituration européenne
La graine de colza a longtemps été soutenue par les tensions présentes sur le marché de l’huile de palme. Depuis le début du mois, cette dernière se replie et a perdu près de 500 ringgits par tonne à Kuala Lumpur. L’huile de palme regagne ainsi en compétitivité face à l’huile de colza à Rotterdam et fait pression sur les cours de la graine.
Dans le même temps, le bilan européen continue de se tendre face à une offre qui pourrait être limitée pour la nouvelle récolte. Les surfaces australiennes et canadiennes sont annoncées en baisse et une vague de froid a touché l’Europe cette semaine, ce qui inquiète les opérateurs quant à un potentiel repli des disponibilités mondiales pour la prochaine campagne. Ainsi, la graine de colza Fob Moselle gagne 5 €/t sur la semaine et évolue en prix nouvelle campagne, à 457 €/t ce vendredi 26 avril.
Enfin, du côté de la demande intérieure, l’activité de trituration continue de performer en Europe, d’après les chiffres de la Fediol. Depuis le mois de janvier, 5,2 millions de tonnes de graines de colza ont été triturées contre 4,9 millions de tonnes l’an passé à la même date, et ce malgré un ralentissement entre les mois de février et mars, passant de 1,73 million de tonnes en février contre 1,67 million de tonnes en mars.
En revanche, l’activité de trituration pourrait souffrir du manque de disponibilités de colza à plus long terme. Les industries en Europe pourraient se tourner vers le tournesol et le soja pour compenser les pertes de colza liées au retard des importations européennes et aux risques qui pèsent sur la nouvelle récolte.
Les cours des tourteaux de soja se stabilisent
Les cours des tourteaux de soja ont retrouvé de la stabilité au début de la semaine, avant de retrouver un peu de fermeté mercredi. Le tourteau de soja délivré Montoir termine ainsi la semaine au prix spot de 435 €/t, soit 4 €/t de plus que vendredi dernier. Ces prix restent toutefois bien éloignés de leur niveau de novembre, à l’époque 130 €/t au-dessus des prix actuels. Il faut dire que la situation du soja est plus confortable.
Entre la bonne production prévue en Amérique latine, supérieure à 200 millions de tonnes pour l’Argentine et le Brésil selon l’USDA, et la hausse des surfaces américaines, le marché devrait être bien approvisionné pour les mois à venir. Dans le même temps, l’activité de trituration tourne à plein régime, ce qui apporte des disponibilités sur le marché du tourteau. Depuis le début de l’année, l’Europe a trituré 3,58 millions de tonnes de soja contre 3,38 millions de tonnes l’an passé à la même date, selon la Fediol.
La part des graines de colza, tournesol et soja dans la trituration européenne pourrait d’ailleurs être modifiée durant la prochaine campagne. En effet, les tensions actuelles qui s’installent sur le bilan européen pourraient pousser les industriels à réduire la part de colza de 1,5 million de tonnes dans la trituration européenne, augmentant ainsi d’un million de tonnes le soja trituré par les usines européennes au niveau record de 16,7 millions de tonnes. Avec ce rythme de trituration, l’offre de tourteaux de soja pourrait ainsi augmenter sur le territoire européen.
À suivre : conditions de culture en Europe de l’Ouest et manque de pluie dans le sud de la Russie ; importations chinoises d’orges ; évolution des surfaces des cultures de printemps ; évolution des stocks et de la production d’huile de palme ; niveaux de trituration élevés aux États-Unis et en Europe ; productions argentine et brésilienne de soja ; début des semis américains sous surveillance ; tensions en mer Noire sur les infrastructures portuaires.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.