En décembre, FranceAgriMer a augmenté de 100 000 tonnes ses prévisions d’exportation de blé tendre français à destination des pays tiers pour la campagne de 2023-2024, par rapport à ses estimations de novembre. L'organisme les porte ainsi à 10,2 millions de tonnes.
En compétition avec la mer Noire et le maïs
À l’inverse, les exportations vers les pays membre de l’Union européenne (UE) sont réduites d’autant pour atteindre 6,693 millions de tonnes. Pourquoi ? « Pour des raisons de compétitivité face au maïs », expliquait Adèle Dridi, chargée d’études économiques pour les céréales à FranceAgriMer, lors de la conférence mensuelle de l’organisation le 13 décembre 2023.
Cela porte les prévisions d’exportations totales (farine comprise) à 17 millions de tonnes, légèrement au dessus de leur niveau de 2022-2023 (16,65 millions de tonnes).
La campagne a pourtant mal commencé, avec un retard marqué des ventes entre juillet et novembre par rapport à 2022-2023. En cause toujours, la compétitivité des origines mer Noire et particulièrement de la Russie, dont le disponible exportable, estimé à 50 millions de tonnes, lui permet d’alimenter le marché abondamment.
Pendant la campagne de 2022-2023, la majorité des exportations françaises avaient été réalisées pendant la première partie de campagne, ce qui n’est pas habituel. Ces dernières années, la France exportait surtout sur la deuxième partie de campagne, une fois les disponibilités en mer Noire épuisées, comme le rappelle FranceAgriMer.

Jusqu’où ira la Russie ?
« On constate que les exportations totales de blé, orges et maïs russes progressent très fortement depuis le début de la campagne, appuie Marc Zribi, chef de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer. Sur les 75 millions de tonnes attendus à l’exportation sur ces trois cultures, 27 millions de tonnes ont déjà été commercialisés sur les cinq premiers mois de la campagne de 2023-2024. »
C’est bien plus que la moyenne quinquennale, à 18 millions de tonnes sur 45 millions de tonnes sur cette même période. « La demande, largement satisfaite par le blé russe, [s’est notamment montrée] forte du côté de l’Algérie, du Bangladesh et de l’Égypte », explique l’expert.
Mais le pays réussira-t-il pour autant à atteindre les 50 millions de tonnes de blé exportées ? « Difficile de répondre. C’est vrai que l’on observe sur novembre un relatif ralentissement des exportations russes, rapporte Marc Zribi. Il n’en reste pas moins que le pays présente un énorme potentiel d’exportations. »
«[Il semblerait également] que le dernier appel d’offres de l’Algérie de 900 000 tonnes, qui se clôturait hier, ait été encore une fois satisfait de manière importante par des origines russes, selon des sources de marché », poursuit-il. Et pour la France ? Un zéro pointé.
Si ces informations venaient à se confirmer dans les prochains jours, la nouvelle serait « effectivement un peu inquiétante pour nos exportations françaises, alors que l’Algérie était l’une de nos destinations majeures », concède Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé en grandes cultures de FranceAgriMer.
Compensations vers d’autres destinations
Même si les spécialistes s’accordent à dire que les prévisions restent un exercice périlleux tant les situations évoluent rapidement, il y a « encore un espoir » pour les exportations françaises sur la suite de la campagne, estime Adèle Dridi.
Les cours du blé Fob Rouen, d’abord, ont ces dernières semaines quasi rejoint ceux de l’origine russe. « Ce qui va dans le sens d’une révision des rapports de compétitivité en seconde partie de campagne », analyse Marc Zribi. Sur la mer Noire également, la concurrence pourra s’affaiblir du côté bulgare et roumain, « qui se rapprochent de leurs objectifs d’exportation ».
Enfin, d’autres destinations pourraient compenser la perte de débouchés plus traditionnels. Les fortes pluies qui s’abattent sur l’Australie, en pleine récolte, pourraient notamment conduire à un déclassement significatif de ses blés et ainsi libérer des parts de marché vers la Chine. En 2022-2023 et sur la première partie de la campagne en cours, l’Australie a couvert deux tiers des exportations de blé vers la Chine.
L'effet des JO encore absent
Quant aux utilisations domestiques du blé tendre, l’effet des Jeux olympiques de Paris 2024 n’est pour l’instant pas visible, même si FranceAgriMer avait anticipé une hausse de la consommation pour la meunerie en juillet dernier.
« Au contraire pour le moment, la demande est plutôt en baisse, commente Adèle Dridi. Peut-être la production de farine rebondira-t-elle sur la fin de la campagne. » Il est aussi possible que « l’effet des JO » soit présent, mais masqué par une baisse des utilisations, notamment impactées par le coût de l’énergie, selon la spécialiste.