« En Ukraine, les exportations de blé tendre pâtissent de la fin du corridor en ce premier quart de campagne », indique Marc Zribi, chef de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer lors d’un point fait à la presse ce 11 octobre 2023.
L’Ukraine à la recherche de solutions alternatives
Actuellement, des tentatives ont lieu pour renforcer les itinéraires alternatifs pour l’exportation des marchandises ukrainiennes. D’une part avec la Roumanie, via les ports du Danube. « Les bombardements des dernières semaines ont principalement visé les ports danubiens d’Izmaïl et de Reni, c’est-à-dire les ports sur lesquels des investissements massifs en infrastructure, en capacité de stockage, et en logistique ont été réalisés depuis un an maintenant », souligne Marc Zribi. Ces deux ports permettent d’acheminer les produits agricoles vers le port de Constanta, en Roumanie, qui sont ensuite exportés vers d’autres destinations. « Cela peut s’expliquer par la performance des exportations au départ du Danube », estime-t-il.
L’Ukraine cherche d’autre part à exporter via la mise en place d’un corridor de navigation sécurisé le long de ses côtes, sous protection des autorités ukrainiennes. « À ce stade, seule une dizaine de bateaux sont repartis, et une dizaine est en train d’arriver, indique Marc Zribi. Il y a un mouvement qui se produit, mais il est loin d’atteindre les niveaux d’exportation des ports maritimes observés avec le corridor. »
Baisse des prix de la logistique au départ de l’Ukraine
Ce dernier avait permis l’exportation de 2,5 à 3 millions de tonnes de grain par mois (Mt/mois). Depuis août 2023, le rythme d’exportation se situe plutôt aux alentours de 1 à 1,5 million de tonnes par mois. Le pays a 13,3 millions de tonnes de blé à exporter durant la campagne de 2023-2024, selon les données d’UkrAgroConsult relayées par FranceAgriMer. La situation est similaire du côté du maïs, avec un disponible exportable évalué à 21 millions de tonnes pour 2023-2024.
La Russie a menacé de représailles les bateaux qui emprunteraient le corridor provisoire mis en place par l’Ukraine. L’exécution de ces menaces sera à suivre. « Pour l’instant, ce n’est pas le cas, ce qui contribue à faire baisser le prix de la logistique au départ de l’Ukraine », comment l’expert.
Les exportations russes sont très dynamiques
En Russie, le niveau d’exportation pour le blé tendre en 2023-2024 a été revu à la hausse, « désormais entre 48 et 50 millions de tonnes, selon les analystes », chiffre Marc Zribi. L’ampleur de ce disponible, record, fait pression sur les marchés à l’international. Il semblerait que, pour la Russie, « le début de campagne démarre à des niveaux très élevés en blé tendre, orge et maïs, indique-t-il. Le total des trois représenterait à ce stade pratiquement un tiers de l’objectif total de la campagne ». Le rythme d’exportation, évalué à dires d’expert, est supérieur à 5 millions de tonnes par mois pour juillet, août et septembre.
La Russie inonde le marché du blé (13/09/2023)
FranceAgriMer indique que selon son ministère de l’Agriculture, la Russie envisage de commencer à expédier gratuitement des céréales vers cinq pays africains (Burkina Faso, République centrafricaine, Érythrée, Mali et Somalie) dans les quatre à six prochaines semaines. Vladimir Poutine avait confirmé son intention le 4 septembre 2023. Les quantités envisagées « sont de l’ordre de 25 000 à 50 000 tonnes de céréales pour chaque pays, chiffre Marc Zribi. Ce qui est très limité comme effort au regard des volumes totaux, de l’ordre de 4 à 6 millions de tonnes d’exportations mensuelles de blé tendre, orge et maïs. »
Un « prix plancher » pour le blé russe
« Même si cela n’a pas été officiellement annoncé et que la situation n’est pas très précise, il semble que la Russie impose ces derniers mois un prix plancher aux exportateurs de blé, note Marc Zribi. Et cela sans doute pour pouvoir améliorer les recettes d’exportation. » Ce prix, qui « a été testé par le marché au travers des appels d’offres du Gasc [organisation d’achat public de blé égyptien], serait autour de 270 $/t. »
Ce seuil peut ponctuellement affecter positivement les exportations françaises sur les marchés traditionnellement acheteurs de blé russe. Il a « donné de l’espace aux offres roumaines et françaises, présentes sur les appels d’offres du Gasc, estime Marc Zribi. Ces exportations n’auraient peut-être pas été possibles en l'absence de ce prix plancher. » Les futurs appels d’offres permettront de tester de nouveau ce seuil et son fonctionnement.