Dans la nuit de mercredi 2 août 2023, le port ukrainien d’Izmaïl, sur le Danube, a été frappé par les drones kamikazes de l’armée russe. Le procureur général d’Ukraine a indiqué dans un communiqué que « les installations portuaires et l’infrastructure industrielle sur le Danube » ont été touchées, endommageant notamment un élévateur, des hangars de céréales, des bâtiments administratifs et des entrepôts. Plusieurs chaînes sur le réseau Telegram montrent au petit matin des installations éventrées encore fumantes. 40 000 tonnes de céréales destinées à l’exportation vers les pays africains, la Chine et Israël auraient été endommagées, selon le ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandre Koubrakov.

Izmaïl, Reni et Constanta

Ce petit port sur le Danube est devenu un enjeu important pour l’exportation des grains ukrainiens. Avec son équivalent 40 kilomètres à l’ouest, Reni, il était devenu une porte de sortie. Là, des camions déversaient leurs céréales dans des bateaux fluviaux de cinq à dix mille tonnes qui soit remontaient le Danube vers l’Europe, soit rejoignaient le port roumain de Constanta pour des chargements internationaux. Le port de Reni a aussi été la cible d’une attaque russe le 24 juillet.

Avec la fin du corridor céréalier en mer Noire le 18 juillet, l’Ukraine a perdu la moitié de sa capacité d’exporter ses grains puisque la route maritime partant d’Odessa, principal port ukrainien, a été fermée. Pourtant, l’Ukraine a trouvé des solutions alternatives. Les opérateurs reconnaissent qu’il est difficile de mesurer précisément les voies de sortie mais l’ordre de grandeur serait d’environ 600 000 tonnes par camions, 1,2 million de tonnes par train, et 2,3 millions de tonnes par voie maritime, dont le Danube.

Alternatives ukrainiennes

Les opérateurs sur le marché physique des grains ne montrent pas de signe de panique, nonobstant une hausse vive des cours sur le marché à terme la semaine dernière. « Les Ukrainiens ont montré que leurs alternatives — le Danube, les trains, les camions — fonctionnaient. Le marché ne réagira pas tant qu’il n’aura pas la preuve concrète de l’arrêt des chargements », résume Sébastien Poncelet, consultant analyste pour le cabinet Agritel.

« Si les bombardements russes venaient à couper les transports physiques, nous aurions un vrai problème de flux », poursuit-il. Autre analyste, Clément Gautier, de Horizon Soft Commodities (HSC), confirme : « Le marché est persuadé que la marchandise ukrainienne sortira tôt ou tard du pays et jouera son rôle dans l’équilibre des échanges. »

Intentions russes

Pour lui, la question qui reste en suspens est celle des intentions véritables de la Russie : veut-elle réellement détruire les installations portuaires pour enclaver définitivement l’Ukraine ? Ou veut-elle assécher la demande en décourageant les armateurs ? En effet, pendant que la Russie attaque les ports, ses propres céréales alimentent le marché mondial. Au début de la semaine, l’Algérie s’est largement approvisionné avec du blé russe.

Les opérateurs ne s’attendent pas un renversement de cette tendance avec les résultats de l’appel d’offres égyptien qui devrait être connu au soir de ce mercredi 2 août 2023. « La prime de risque politique prenait le pas sur la réalité commerciale mais celle-ci nous rattrape. Le blé français doit maintenant s’aligner sur le blé russe », résume Sébastien Poncelet.

Mer d’Azov

C’est donc surtout les prochains événements qui vont dévoiler les véritables intentions de la Russie, mais les Ukrainiens eux-mêmes pourraient compliquer la donne. Des actes de guerre se multiplient en mer d'Azov. Des drones maritimes se sont attaqués au pont du détroit de Kertch, passage entre la mer Noire et celle d’Azov.

Le 26 juillet 2023, les services secrets russes ont annoncé avoir retrouvé des traces d’explosifs dans un bateau qui devait rejoindre le port de Rostov-sur-le-Don. Débouchant sur la mer d'Azov, il est la porte de sortie de 20 % des céréales russes.