La disponibilité des grains russes pèse toujours sur le prix des céréales. Le blé européen trouve toutefois des opportunités, notamment vers l’Égypte cette semaine. La France exporte par ailleurs de gros volumes d’orge vers la Chine. L’offre abondante en colza et en tournesol, pèse encore sur ses cours, dont le recul est limité par les inquiétudes climatiques grandissantes en Australie. Le ralentissement de la production soutient les prix du tourteau de soja en France.

Blé : mouvement baissier sur une semaine, tempéré par des échanges dynamiques

Sur une semaine, les prix des blés français sont en légère baisse. Le Fob Rouen a perdu 4 €/t, à 230 €/t. En parallèle, le blé russe à 11,5 % de protéines est stable, à 227,5 $/t, tandis que celui à 12,5 % de protéines se contracte légèrement, en repli de 1 $/t, à 241,5 $/t.

Les transactions ont été dynamiques cette semaine, avec une demande de blé soutenue en Asie, mais surtout avec les achats de l’Algérie et de l’Égypte. La Russie reste très compétitive, mais l’Égypte a préféré l’origine roumaine dans son achat de 120 000 tonnes pour chargement au début de novembre. L’achat de blé de l’Autorité générale en charge des approvisionnements (Gasc) égyptien au début du mois de septembre pourrait finalement provenir en grande partie d’Europe, notamment de France, Roumanie et Bulgarie.

Ce mouvement d’achat a, dans un premier temps, mis un coup d’arrêt à la baisse des prix observée au début de la semaine. La tendance des prix est à nouveau baissière à la fin de la semaine, à cause de la pression due aux fortes disponibilités de grains russes. À cela s’ajoute un contexte de baisse sur l’ensemble des marchés financiers, en lien avec les annonces mercredi soir de la Banque centrale des États-Unis d’un maintien des taux élevés, voire d’un rehaussement dans les prochains mois.

À noter pour les flux au départ de la France, que de grandes quantités de blé (estimées à 550 000 tonnes) ont été achetées la semaine passée par la Chine pour des livraisons entre novembre et mars. Au début de la campagne, les exportations françaises sont toutefois en fort retrait comparativement à celles de l’an dernier : 1,2 million de tonnes entre le 1er juillet et le 17 septembre, contre 3,1 millions de tonnes sur la même période en 2022.

Le différend sur les exportations de grains ukrainiens vers les pays de l’Union européenne frontaliers s’est poursuivi cette semaine. L’Ukraine a déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce contre la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie en raison de leur volonté de poursuivre l’interdiction d’importation. Toutefois, la Slovaquie et l’Ukraine se sont accordées pour mettre en place un système de licences pour le commerce des grains. La Slovaquie annonce que le blocage des importations de grains ukrainiens se poursuivra jusqu’à la mise en place de ce nouveau système.

Les discussions se poursuivent avec la Pologne. En parallèle, le premier bateau de céréales ukrainiennes utilisant le nouveau « corridor humanitaire » temporaire annoncé par l’Ukraine en août serait arrivé dans le détroit du Bosphore. Cela ouvre une nouvelle possibilité pour les exportations de grains, malgré le non-renouvellement de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes via la mer Noire avec la Russie.

En revanche, les informations sur les perspectives de récoltes de blé dans les régions du monde les plus tardives sont négatives, constituant un facteur de soutien pour les prix dans les prochaines semaines. En Australie, le mois de septembre, période cruciale pour le développement des céréales, connaît des conditions climatiques particulièrement chaudes et sèches, favorisées par le phénomène climatique El Niño désormais installé. Les prévisions de récoltes continuent à baisser, ainsi que le potentiel d’exportation. En Argentine, la persistance de conditions sèches et chaudes pénalise également les prévisions de récoltes dans l’ouest du pays.

Orge : prix quasi stables en raison des stocks volumineux en mer Noire

Le prix de l’orge fourragère rendu Rouen demeure quasi stable sur une semaine, à 213 €/t (–0,5 €/t), équivalant à 233 $/t. La Chine reste encore la principale destination pour les exportations françaises, avec 396 000 tonnes expédiées, ou en cours de chargement, entre le 1er et le 22 septembre. Ce niveau est nettement supérieur aux 63 mille tonnes exportées en septembre 2022.

De manière générale, l’orge d’origine française pourrait être davantage sollicitée car la concurrence des grands producteurs, comme le Canada et l’Australie, est compromise par des conditions climatiques sèches. En Argentine, des pluies bénéfiques sont tombées dans les principales zones productrices d’orge de la province de Buenos Aires, à l’est du pays. Des conditions plus sèches ont été observées ailleurs. Malgré cela, la production argentine d’orge devrait être supérieure à celle décevante de 2022.

Dans le même temps, la récolte se poursuit en Russie. En date du 19 septembre, elle est réalisée à hauteur de 86 % avec des rendements meilleurs que prévu. Du côté du prix, les orges russes restent très compétitives, à 182,5 $/t Fob Novorossiysk, grâce à des disponibilités élevées. Cela impacte fortement les prix du marché mondial. En outre, des perspectives de récolte meilleures que prévu en Ukraine, ainsi que des stocks qui s’accumulent en raison des difficultés logistiques, ont fait baisser légèrement les prix CPT Reni sur une semaine, à 142,50 $/t (–3 $/t).

En termes d’échanges, la Russie domine le marché d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Entre le 1er et le 19 septembre, elle a expédié 416 000 tonnes d’orge vers ces régions. Le 20 septembre, l’Algérie pourrait avoir acheté 120 mille tonnes d’orge russe, pour une livraison entre novembre et septembre.

Sur le segment brassicole, l’orge d’hiver Fob Creil augmente de 1,5 €/t en une semaine, à 230 €/t, tandis que l’orge de printemps recule de 2,5 €/t, à 285 €/t. Les primes restent élevées et soutenues par les mauvaises récoltes pratiquement finies ou à venir en Europe du Nord, au Canada et en Australie. Néanmoins, la consommation peu dynamique et l’inflation pèsent de plus en plus sur l’activité du secteur brassicole.

Colza : légère baisse des cours

Cette semaine, les prix du colza en France ont légèrement diminué de 7 €/t, pour s’établir à 449 €/t rendu Rouen. Leur évolution est partagée entre l’avancée des récoltes nord-américaines, les bonnes disponibilités en Europe et les inquiétudes climatiques grandissantes en Australie. Les perspectives d’un climat sec à cause du phénomène El Niño se confirment en Australie. En période cruciale pour le rendement, les conditions chaudes et sèches attendues pourraient remettre en cause la production de canola australien.

Toutefois, l’avancée cette semaine des récoltes de soja aux États-Unis, et de canola au Canada, est venue peser sur les cours. Au 19 septembre, 55 % du canola était récolté au Manitoba et 65 % en Saskatchewan. Par ailleurs, selon les derniers rapports, les résultats seraient moins bas qu’attendu.

Les prix européens du colza subissent toujours la pression des bonnes disponibilités de graines oléagineuses en Europe, tant de tournesol (avec l’arrivée des récoltes) que de colza (avec les stocks de report et la bonne récolte). À cela s’ajoute la pression des volumes ukrainiens arrivant sur le marché européen, que ce soit en graines de colza ou en huile de tournesol. De plus, la non-reconduction par la Commission européenne de l’interdiction de grains ukrainiens, devrait permettre l’accélération des exportations ukrainiennes vers l’Union européenne.

Tourteaux de soja : hausse des prix en France, repli ailleurs

Les cours internationaux du tourteau de soja ont reculé cette semaine dans le sillage de la graine. Aux États-Unis, les coupes de soja avancent, notamment dans le sud-est du pays, contribuant à faire pression sur les prix. De plus, les exportations hebdomadaires de soja ont été en dessous des attentes du marché.

D’un côté, le soja américain doit faire face à la forte concurrence de la fève brésilienne, dont l’offre est bien plus abondante sur le marché mondial. D’autre part, le faible niveau d’eau du fleuve Mississippi freine les envois.

Au Brésil, la production de soja est toujours attendue à un niveau record sur la nouvelle campagne. Les surfaces ensemencées devraient atteindre un sommet grâce à la bonne attractivité de cette culture. À noter toutefois que le repli des cours a été atténué par le temps chaud et sec dans le Mato Grosso, en conséquence du phénomène El Niño.

Les semis pourraient s’en voir retardés, les agriculteurs préférant attendre le rechargement de la réserve hydrique du sol afin d’assurer une bonne germination. Dans le Midwest, les gousses de soja ont d’ores et déjà subi les conséquences des mauvaises conditions climatiques, avec de faibles rendements attendus dans certaines régions.

Le cours français n’a pas suivi le mouvement baissier. Après plusieurs semaines de repli, le prix à Montoir a grappillé 3 €/t cette semaine, s’affichant à 491 €/t. Cette hausse s’explique d’abord par le ralentissement de la production locale de tourteaux de soja, les usines de Bretagne ayant basculé sur la trituration de colza depuis plusieurs semaines.

Par ailleurs, le rebond de la demande des fabricants d’aliments a aussi contribué à cette hausse. Ces derniers ont profité des récentes baisses de cours pour s’approvisionner. De plus, l’offre en tourteaux de soja reste limitée compte tenu du faible rythme de trituration.

À suivre : relations entre l’Ukraine et les cinq pays de l’Union europénne frontaliers sur la question de l’exportation des céréales et des oléagineux, conditions de cultures en Australie et Argentine (céréales, colza), aux Etats-Unis et en Amérique du Sud (maïs et soja), prix du pétrole, conjoncture économique mondiale, décisions de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE).