Les prix des grains, blé en tête, ont encore cédé un peu de terrain cette semaine. La faible demande mondiale continue d’influencer les fondamentaux alors que le marché se tourne vers la nouvelle récolte. Le temps sec dans plusieurs régions du monde, Europe et Amérique du Nord surtout, soulève des inquiétudes et a limité la baisse des prix.
Léger affaissement des cours du blé
Les prix du blé français ont connu une nouvelle baisse cette semaine bien qu’elle soit modérée par rapport à ce qui a parfois été observé ces derniers mois. Le blé rendu Rouen de la récolte de 2023 perd 5 €/t, à 214 €/t (échéance de juillet/septembre 2023). Le blé rendu La Pallice perd, quant à lui, 3,5 €/t, à 217,5 €/t. En dollars, le blé Fob Rouen perd 2,5 $/t, à 238 $/t.
Le temps sec persistant actuellement sur la moitié nord de l’Europe, et notamment sur la moitié nord de la France, soulève des inquiétudes quant à l’état des blés, mais ceux-ci demeurent en très bon état pour le moment. Selon FranceAgriMer, 91 % des blés tendres français étaient dans de bonnes à très bonnes conditions le 29 mai 2023. C’est une note en légère dégradation d’une semaine sur l’autre, mais qui demeure très bonne.
À l’international, la Russie a exporté environ 4 millions de tonnes de blé en mai, contre 1,3 million l’an dernier. Elle continue d’approvisionner le marché mondial alors que la demande reste assez faible. Les exportations russes se font au détriment des autres pays exportateurs. Cela n’a pas empêché l’Union européenne de vendre environ 290 000 tonnes de blé aux États-Unis depuis le début de la campagne, un niveau bien plus élevé qu’à l’ordinaire.
En Argentine, le retour des pluies est de bon augure pour les semis de blé tendre qui commencent. Ce retour pourrait être durable grâce à l’arrivée du phénomène climatique El Niño qui se confirme pour cet été. Pour ce qui concerne les éléments haussiers, des pluies diluviennes ont touché diverses zones de production de blé en Chine, compromettant notamment la qualité des blés meuniers.
La mise en place d’El Niño cet été suscite toujours des inquiétudes sur la récolte australienne dont les semis débutent. Si les semis commencent dans de bonnes conditions grâce à une humidité des sols suffisantes pour les levées, la probabilité de voir un temps sec s’installer durablement augmente.
Au Canada, les conditions chaudes sont toujours d’actualité pour les blés de printemps et sont à surveiller. Le blé trouve aussi du soutien du côté du maïs, dont les conditions d’implantation sont sèches aux États-Unis. Enfin, à la suite d’essais concluants, le gouvernement français souhaite procéder à une campagne de vaccination des élevages français contre la grippe aviaire dès l’automne prochain.
Les prix de l’orge fourragère s’erodent, ceux des brassicoles résistent
En une semaine, l’orge rendu Rouen a perdu 3 €/t, à 202,5 €/t (échéance de juillet/septembre). À l’exportation, l’orge Fob Rouen cède 2 $/t, à 233 $/t. L’orge fourragère suit les prix du blé. Dans le même temps, les perspectives de rendement des orges d’hiver apparaissent bonnes en France, malgré le temps sec sur la moitié nord du pays. Au 29 mai, 88 % des orges d’hiver étaient jugées en bonnes à très bonnes conditions, un niveau en légère diminution par rapport à la semaine précédente (90 %).
Les orges françaises subissent toujours la pression des disponibilités russes et australiennes. La Russie a exporté 400 000 tonnes au mois de mai, contre 140 000 tonnes en mai 2022. Cela n’a pas empêché les orges russes de perdre 10 $/t, à 217,5 $/t Fob, témoignant d’importantes disponibilités dans le pays.
Sur le segment brassicole, pour la récolte de 2023, les variétés d’hiver perdent 1 €/t, à 233 €/t, tout comme celles de printemps qui s’affichent à 254 €/t. Selon le bulletin Céré’Obs de FranceAgriMer, 93 % des orges de printemps étaient dans de bonnes à très bonnes conditions le 29 mai dernier.
La prime brassicole est en fait actuellement soutenue par le temps sec qui sévit sur le Royaume-Uni, la Scandinavie et l’Allemagne et qui soulève des inquiétudes sur les potentiels de rendement des variétés de printemps dans cette zone. Cet élément s’ajoute à des surfaces en baisse dans ces pays à cause de pluies excessives au printemps qui avaient empêché les intentions de semis d’être atteintes, en Scandinavie et en Allemagne surtout.
Les cours du colza en légère baisse
Le début de la semaine a été marqué par une nette baisse des cours du colza en France. Ces derniers ont notamment subi la pression des cours du pétrole, en recul compte tenu des perspectives économiques moroses. En Chine, les récents indicateurs se sont révélés décevants et ont engendré une baisse des prix du pétrole, également ébranlés par une offre de brut russe importante. Cela a induit une diminution du cours des huiles, et donc du colza.
Les cours de l’huile de palme ont aussi fortement régressé par rapport à ceux des autres huiles. Alors que la production devrait repartir à la hausse, la demande est ralentie par un besoin moindre des pays importateurs dont les stocks sont élevés. Les huiles concurrentes sont compétitives. Cela s’est traduit par une baisse de 0,8 % des exportations malaisiennes sur le mois de mai.
Les prix du colza français ont ensuite rebondi, soutenus par la sécheresse nord-américaine qui inquiète le marché, avec ses possibles conséquences sur les productions de soja américain et de canola canadien. La baisse de l’euro face au dollar a également renforcé la compétitivité de la graine européenne à l’exportation. Néanmoins, le rebond des cours du colza reste limité, sous la pression des stocks européens massifs de graines et d'huile de colza.
Finalement cette semaine, les cours du colza en France ont diminué de seulement 2 €/t rendu Rouen et de 7 €/t en Fob Moselle. Les prix s’établissent ainsi autour de 400 €/t.
Pas d’évolution notable des prix du tourteau de soja sur la semaine
Les prix mondiaux du tourteau de soja ont peu évolué. D’une part, le temps chaud et sec dans le Midwest a contribué à soutenir les cours du soja et par ricochet celui du tourteau aux États-Unis. A la Bourse de Chicago (CBOT), le prix a grappillé 5 $/t en sept jours, pour s’afficher à 443 $/t sur le rapproché.
Malgré les travaux de semis qui ont bien avancé (83 % des surfaces ensemencées au 28 mai, contre une moyenne quinquennale de 65 %), la production sur la nouvelle campagne est loin d’être sécurisée. En effet, au 30 mai, environ 66 % du Midwest était anormalement sec. Les craintes de voir la sécheresse s’installer en juin grandissent dans les deux premiers bassins de production des États-Unis (Iowa et Illinois).
Le potentiel haussier a aussi été limité par les fondamentaux du marché. La demande en tourteaux de soja recule dans l’Union européenne et en Chine en raison d’une forte concurrence des tourteaux de colza et de tournesol, mais aussi des céréales. Par ailleurs, le prix du porc poursuit sa baisse en Chine, contribuant à diminuer la rentabilité des élevages porcins et à freiner d’autant plus la demande de tourteau de soja.
À noter également que la grippe aviaire continue de sévir dans plusieurs pays du monde. Elle a désormais atteint la faune sauvage du Brésil, qui est le plus grand exportateur mondial de poulets. Près de dix cas ont déjà été détectés. Le pays a déclaré un état d’urgence pour six mois. Si l’épizootie venait à se répandre, cela pourrait compromettre la demande du secteur animal brésilien. Dans l’Union européenne, les élevages sont aussi menacés par la maladie. Ainsi, le prix a légèrement reculé à Montoir cette semaine (d’environ 5 €/t) pour s’afficher à 470 €/t.
À suivre : conditions sèches en Europe, en Amérique du Nord et au Brésil, propagation de la grippe aviaire (Union européenne et Amérique du Sud), intensification du conflit militaire en Ukraine, croissance chinoise.