« Sauvez les paysans, mangez un trader », ce slogan a résonné le long des murs du Grand palais à Paris. Et pourtant, « Manger un trader » n’était pas au menu du rendez-vous de la Bourse de commerce européenne, tout comme l’apéritif salé qui a accueilli les premiers participants ce jeudi 5 décembre 2024.
À l’ouverture du salon, les agriculteurs de la Confédération paysanne ont fait irruption devant les portes du bâtiment, où se tenait pour deux jours la réunion, « rendez-vous annuel incontournable de tous les grands professionnels mondiaux de la filière » céréales et oléoprotéagineux.
Une centaine de manifestants
À 13 h 30, un camion a livré banderoles, sono et bottes de paille, direction l’esplanade du grand palais. La centaine d’agriculteurs manifestants a installé une immense affiche « Sauvez-les paysans, mangez un trader », devant les participants qui attendaient d’accéder au bâtiment.
Si ces derniers sont restés dehors, quelques manifestants ont brièvement pu pénétrer dans le hall, ramenant à l’extérieur des panneaux de multinationales, comme les groupes InVivo sur lesquelles ont été apposés des stickers « produire pour vivre », « stop à la spéculation », ou « vendangeons les profits des spéculateurs ».
« Ici, il y a tout le business de l’agro-industrie. On est là pour dire que ce système détruit le monde paysan », lance Stéphane Galais, éleveur et secrétaire nationale du syndicat, présent pour « mettre un grand coup de projecteurs sur ce qui se passe ici : des financiers et des traders qui font de la spéculation sur les produits alimentaires ». La Confédération paysanne, présente pour dénoncer leur rôle dans les crises agricoles (argument pointé par leur secrétaire générale) dénonce aussi l’opulence de ce rendez-vous, assorti d’un « dîner de prestige » avec un droit d’entrée pour les deux journées pour la modique somme de 300 euros.
Sorti pour échanger avec les manifestants, le président d’Agro Paris Bourse, Baudouin Delforge, a d’ailleurs été pris à partie par plusieurs agriculteurs. « Il n’y a pas de ruissellement ! », l’a interpellé un manifestant alors qu’il disait soutenir les agriculteurs. « Vous voulez qu’on compare nos revenus ? », a ironisé un autre.
Le syndicat se pose en défenseur du « revenu paysan », contre « les profiteurs de la dérégulation du marché » et les « accords de libre-échange dérégulés ». Si le Mercosur est bien sûr cité, Stéphane Gallais se fait peu d’espoir sur l’avenir de cet accord, alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen était en direction de l’Uruguay pour le sommet du Mercosur laissant planer la menace d’une signature imminente. « On ne lâchera pas sur cette question de libre-échange, c’est notre combat pour la protection et le revenu des paysans », affirmait le secrétaire national en amont de l’action coup de poing.
La banderole déployée, la paille recouvrant la pierre, la centaine d’agriculteurs a brandi affiches et drapeaux du syndicat avant d’entamer nombre de chants contre les spéculateurs, et le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, sur des airs de la Compagnie créole, des Wampas et même du célèbre opéra français Carmen « Prends-garde à toi ».
« En pleine crise agricole c’est d’une indécence totale ce qui se passe ici », appelle au micro la porte-parole du syndicat, Laurence Marandola. « La terre est à ceux qui travaillent, pas à ceux qui spéculent », ont dénoncé en chœur les manifestants. La Confédération paysanne dénonce plus largement « la spéculation sur les matières premières agricoles que cet évènement vise à encourager ».
Le ton est progressivement monté avec les forces de l’ordre arrivées une dizaine de minutes après le début de l’action et qui ont encerclé l’esplanade. Les agriculteurs en train de plier bagage, banderole géante repliée, ont été bloqués à la descente des marches du Grand palais par gendarmes et CRS et des bousculades ont éclaté. Plusieurs participants ont été interpellés, tandis qu’à l’intérieur du Grand palais, certaines conférences ont été annulées ou décalées.