Présenté le 3 septembre 2020 depuis une antenne du ministère des Solidarités et de la Santé, le plan de relance après la crise sanitaire atteint un montant total de 100 milliards d’euros sur deux ans. L’agriculture est directement concernée par des mesures spécifiques d’un montant total de 1,2 milliard d’euros.
Les réactions syndicales agricoles soulignent toutes l’attente des déclinaisons concrètes de ces annonces. Si l’exercice d’équilibre est salué par chacun, des déceptions se manifestent au sujet de l’ambition générale qui doit porter ce plan alors qu’Emmanuel Macron avait placé l’agriculture très haut dans les secteurs essentiels durant le confinement.
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Un plan vide de tout sens
Pour Alexandre Armel, nouveau secrétaire général de la Coordination rurale, « ce plan est vide de tout sens. Il flèche l’argent vers les investissements alors que les agriculteurs n’ont plus l’argent pour investir. Il aurait fallu insuffler de la trésorerie aux agriculteurs. » Pour lui, « Emmanuel Macron disait que l’agriculture était une économie essentielle. Le contenu de ce plan acte que la France n’accorde plus sa priorité à la production. Tout n’est pas à rejeter. Ce plan envoie un signal mais le signal aurait pu être autrement. »
Pour Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, « ce plan est insuffisant dans les moyens. Alors que l’agriculture était mise en avant durant le confinement, elle ne représente qu’un peu plus de 1 % du plan de relance. » Pour lui, « les leviers sont les bons mais ils ratent leur cible puisque le plan ne fait pas l’esquisse d’un pas de côté vis-à-vis de la politique du libre-échange qui est le principal problème des agriculteurs. Le gouvernement met de l’argent dans un panier percé alors qu’il faudrait profiter de la crise pour rafistoler ce panier du libre-échange. »
La voie de la souveraineté est tracée
La FNSEA a réagi par un communiqué diffusé trois heures après l’annonce du plan de relance. Le principal syndicat agricole se félicite de voir l’agriculture intégrer le plan de relance comme il l’avait « fortement porté lors de sa première rencontre avec le Premier ministre ». Il s’estime satisfait du montant alloué aux exploitations « et il faut y ajouter les mesures transversales qui vont impacter directement le secteur : relocalisation, investissements dans les technologies d’avenir et dans les énergies décarbonées, soutien à l’exportation… Les attentes figurent bien dans le plan à une hauteur autorisant l’ambition. » Toutefois, la FNSEA l’envisage plus comme une étape que comme un aboutissement : « La voie de la souveraineté est maintenant tracée, mais il faut que l’intendance suive. »
Pierre Thomas, le président du Modef, estime que le volet agricole de ce plan de relance « comporte beaucoup de mesures intéressantes » mais il déplore l’absence de mesure en faveur du prix des produits agricoles : « On peut bien favoriser l’investissement mais il faudrait que les agriculteurs aient du revenu pour les faire. » Il regrette aussi les incertitudes qui ne sont pas encore levées quant à la mise en œuvre concrète des intentions affichées, par exemple sur le plan protéines, qui rejoint par ailleurs l’ambition de son syndicat pour l’autonomie alimentaire.
Une ambition pour la jeunesse agricole
Jeunes agriculteurs « salue l’ambition pour la jeunesse agricole » contenue dans ce plan, puisqu’il contient des préconisations formulées dans le manifeste du syndicat cet été. Il se focalise sur les mesures en faveur de l’installation, comme la sensibilisation des jeunes par une campagne de promotion de l’agriculture. Concernant la résilience des exploitations, le plan de relance propose également de nouvelles perspectives en finançant pour les jeunes installés un bilan carbone de leur exploitation. Sur la base de ces données, les jeunes pourront valoriser de nouvelles sources de revenu pour le stockage de carbone, via de futures aides européennes ou appels à projet. Jeunes Agriculteurs envisage de jouer un rôle dans la mise en œuvre du plan de relance : « Le ministère peut compter sur le réseau Jeunes Agriculteurs pour être acteur dans la mise en œuvre de ces mesures sur tout le territoire et relever le défi du renouvellement des générations et de la transition agroécologique », affirme Samuel Vandaele, le président de Jeunes Agriculteurs.
Sébastien Windsor, le président des Chambres d’agriculture, estime que ce plan « marque un engagement fort pour accompagner les transitions que l’agriculture française doit aborder résolument ». Les chambres d’agriculture se déclarent « au service du déploiement de ce plan au plus près des territoires ».
Satisfaction des filières concernées
La filière des oléoprotéagineux, directement concernée par l’affectation de 100 millions d’euros pour le plan protéines, se déclare « attentive aux modalités d’application » pour faire en sorte qu’elles « soutiennent les innovations et les investissements opérationnels à court terme ».
Philippe Henry, le président de l’Agence bio, se déclare « plutôt satisfait par les annonces », en particulier par la prolongation du crédit d’impôt bio et du fonds Avenir bio. « Même si le Premier ministre n’a pas annoncé de somme d’argent pour le moment, une enveloppe de 20 millions d’euros serait intéressante. » Il juge aussi intéressantes les mesures transversales sur la formation et la biodiversité. « C’est une bonne première étape pour renforcer l’agroécologie. Elle devra se prolonger avec la politique agricole commune et le plan stratégique pour la France », pronostique Philippe Henry.