Répondre à la croissance constante de la demande tout en réduisant la dépendance aux importations : tel est le double défi que s’est fixé la filière française des œufs. Lors d’une conférence de presse organisée le 29 avril à Paris, le Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO) a présenté un plan d’actions visant à porter le taux d’autosuffisance de 98,6 % actuellement à 101 ou 102 % en 2030.

« Notre balance commerciale commence à se redresser, constate le vice-président du CNPO, Loïc Coulombel. Elle avait fortement chuté en 2022 à cause de l’influenza aviaire, avec une baisse de la production qui nous empêchait d’exporter. En 2022, notre taux d’autosuffisance était tombé à moins de 96 %, à la suite de la crise de l’influenza aviaire. »

300 nouveaux poulaillers

Le contexte de cette mobilisation est celui d’une consommation en plein essor. Les ventes d’œufs ont progressé de 4,7 % en 2024 et encore de 4,2 % au premier trimestre de 2025, selon les données du CNPO, soit environ 300 millions d’unités supplémentaires consommées par an. Ces chiffres motivent la mise en œuvre d’un plan de développement ambitieux : 300 nouveaux poulaillers pour un investissement de 300 millions d’euros, et une capacité supplémentaire de six millions de poules pondeuses d’ici à 2030. Cette expansion permettra non seulement de répondre aux besoins du marché intérieur, mais aussi de stabiliser la production face aux aléas sanitaires — comme l’influenza aviaire — qui ont contribué à la stagnation, voire à la légère régression de la production en 2024 (–0,4 %).

Il y a sur le terrain un « vrai frémissement, se réjouit le président du CNPO, Yves-Marie Beaudet. Plusieurs centaines de projets sont en gestation. Une organisation de production dans le Grand Ouest a répertorié les projets de construction selon leur stade d’avancement — 25 % en phase de réflexion, 45 % avec des devis ou des accords bancaires en cours, 20 % au stade de la démarche administrative, 10 % qui ont commencé les travaux. Cela représente plusieurs millions de pondeuses. »

Procédures administratives et manque de main-d’œuvre

Selon les professionnels du secteur, cet élan visant à doper la production se heurte à un obstacle majeur : la complexité des procédures administratives. Entre le dépôt d’un projet et la première ponte, jusqu’à deux ans peuvent s’écouler, dont une année perdue dans des méandres réglementaires, assure l’interprofession. « Par ailleurs les entreprises sont parfois confrontées au manque de main-d’œuvre pour répondre à la construction ou à la transformation des bâtiments », complète Yves-Marie Beaudet.

Le CNPO veut « accélérer les choses », et demande à l’État la simplification des démarches. Il dénonce d’une part le seuil relatif au régime des installations classées, abaissé à 40 000 poules en France contre 60 000 dans la règlementation européenne. Il appelle aussi à exclure l’élevage de la procédure d’autorisation environnementale issue de la loi Industrie verte, qui a embarqué l’agriculture dans le même registre que l’industrie.

« Nous sommes rendus à une enquête publique de trois mois, deux réunions publiques, un site internet… Ce qui fait qu’un projet à Lille peut être commenté par quelqu’un de Marseille. La consultation publique doit avoir lieu, oui, mais uniquement si la population concernée est dans un périmètre pertinent et a un réel intérêt à agir », souffle Yves-Marie Beaudet. Enfin, l’interprofession des œufs figure parmi les filières qui souhaitent sortir l’élevage de la directive IED, sur les émissions industrielles.