Roland Bulloz est né dans une ferme de Besançon disparue sous la pression de l’urbanisation. Installé en 1994 avec 70 truies en plein air sur une ferme de 18 hectares, à Fontain dans le Doubs, l’ancien professeur de zootechnie a beaucoup travaillé pour bâtir une entreprise viable et attractive qui a séduit ses deux fils. Après Louis 30 ans, associé de l’EARL depuis 2018, Elie 24 ans va rejoindre l’exploitation en avril prochain.
« Je me souviens du temps où je chargeais des camions de cochons à 1 € le kg alors qu’ils me coûtaient 1,50 € le kg à produire », se rappelle Roland Bulloz, qui a connu des années de vaches maigres. Il a pu les surmonter grâce au soutien sans faille de sa femme Isabelle : « Aujourd’hui, grâce à la transformation et à la vente directe, ma famille et moi, nous pouvons vivre dignement de notre métier en bénéficiant du regard positif de nos clients. Cette dynamique mise en route en 2001 avec la construction d’une porcherie sur paille et la création d’un magasin de vente collectif est triplement gagnante pour les conditions d’élevage de nos animaux, la qualité de nos produits et nos conditions de vie. »

Le laboratoire a triplé de surface
80 % des porcs aujourd’hui produits par l’EARL du Bout du bois, soit 780 porcs par an (15 par semaine), sont transformés dans le laboratoire de l’exploitation en de multiples spécialités adaptées à la saison : boudins noirs et choucroutes l’hiver, chipolas et grillades l’été. Le reste est vendu en gros. Comme il se doit en Franche-Comté, une partie est fumée. Agrandi il y a un an et demi grâce à l’aide du plan France relance, le laboratoire a triplé de surface (de 50 à 150 m²). L’investissement de 450 000 € a été aidé financièrement à hauteur de 190 000 €.
En 2021, l’acquisition d’une machine à soupe a permis d’introduire des coproduits issus de la biscuiterie du village (10 t par mois), ainsi que le petit-lait de la fruitière de Fontain (payé 7 € les 1 000 litres) dans l’alimentation des porcs charcutiers. Les petits brasseurs, sommés depuis le 1er janvier 2024 de valoriser leurs déchets organiques, donnent gracieusement leurs drêches. Complété par un aliment du commerce composé d’orge, de tourteaux et de lin et labellisé Bleu Blanc Cœur, cette ration permet de réduire d’un tiers le coût alimentaire (de 250-280 € la tonne de MS au lieu de 380-400 €/t MS) tout en étant productif. « Le fait de travailler avec le petit-lait nous ouvre la voie à l’agrément IGP Morteau et Montbéliard, précisent les éleveurs. Cela nous permettra de trouver des débouchés supplémentaires pour valoriser à terme 100 % de nos cochons. Nous prospectons en particulier les cantines des collectivités et des établissements scolaires. »

Économie circulaire
Ne pas pouvoir produire eux-mêmes tout leur aliment est une frustration pour les agriculteurs. Cette perspective est difficile à concrétiser compte tenu de la pression foncière dans cette zone lait AOP Comté. Mais les éleveurs voient dans la valorisation des co-produits locaux et des déchets des industries agro-alimentaires aussi du sens éthique.
« Notre système fonctionne car nous sommes bien placés, à 10 km de Besançon, pointe Roland Bulloz. Les gens viennent à la fruitière du village, à la biscuiterie, puis chez nous. Dans notre développement, nous avons veillé à garder des prix abordables, moins chers qu’en grande distribution pour bien des produits, à la propreté du magasin et du site, ainsi qu’à la qualité de l’accueil. Les clients veulent être rassurés et avoir des informations sur la façon dont nous travaillons. Il faut être capable de parler de ses produits sans en rajouter. » Le magasin, installé dans une ancienne grange, est ouvert quatre jours par semaine toute la journée. Il va être agrandi avec l’introduction d’un espace en libre-service et de belles vitrines. Il reçoit jusqu’à 100 personnes par jour. L’idéal à terme serait de calquer ses horaires sur celui de la fruitière.