L’histoire

Jeanne avait donné à bail en 1985 à Anselme et à son épouse deux parcelles. Les baux consentis pour neuf années s’étaient renouvelés par tacite reconduction à leur échéance. Anselme avait alors pris sa retraite le 1er septembre 2005 mais avait continué à exploiter seul les parcelles à titre de parcelles de subsistance. Son épouse s’était, de fait, désolidarisé des baux.

Le contentieux

Estimant qu’Anselme ne pouvait poursuivre seul la mise en valeur des parcelles louées, Jeanne avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation des baux. Elle avait invoqué un argument juridique tiré d’une nouvelle disposition introduite dans l’article L. 411-35 du code rural par la loi du 13 octobre 2014. Lorsqu’un des copreneurs cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d’un délai de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom. Et le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information du propriétaire constitue un manquement justifiant la résiliation du bail. Pour Jeanne, la résiliation des baux était encourue. Ils avaient été consentis à Anselme et à son épouse en qualité de copreneurs. Or Anselme exploitait seul les parcelles louées sans que Jeanne ait reçu une information.

Mais les juges n’avaient pas été convaincus. Ils avaient considéré que la nouvelle disposition de l’article L.411-35 du code rural ne créait ni obligation ni interdiction pour le copreneur resté en place, mais prévoyait une modalité de régularisation du bail destinée à permettre sa poursuite en son seul nom. Aussi, le défaut de notification de la cessation d’activité ne constitue pas une infraction aux dispositions de l’article L. 411-35 de nature à permettre la résiliation de plein droit du bail. La demande de résiliation des baux ne pouvait qu’être rejetée.

Devant la Cour de cassation, Jeanne avait à nouveau soutenu son argumentation. Mais la haute juridiction n’a pas voulu se placer sur ce terrain. Invoquant l’article L. 411-46, elle a affirmé que lorsque le bail s’est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l’exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l’obligation d’information du propriétaire en cas de cessation d’activité. Or les juges avaient constaté que les baux en litige s’étaient renouvelés de plein droit au seul nom d’Anselme, respectivement en 2012 et 2017, bien après la cessation d’activité de son épouse. La demande de résiliation ne pouvait qu’être écartée.

L’épilogue

Anselme pourra poursuivre la mise en valeur des parcelles louées comme parcelles de subsistance sans perdre ses droits à la retraite.