L’histoire

Didier avait pris à bail des parcelles d’herbage appartenant à un couple. Au décès de ces derniers, les parcelles avaient été attribuées à Pascal. Didier ayant tardé à régler les fermages, Pascal lui avait adressé, à son domicile, des mises en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, respectivement les 28 avril et 20 août 2015.

Le contentieux

Ces mises en demeure étant restées infructueuses, Pascal avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et en expulsion pour défaut de paiement des fermages des années 2014 et 2015. Pascal avait fondé sa requête sur l’article L. 411-31 I du code rural qui autorise le bailleur à demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Et l’adresse mentionnée sur les lettres de mise en demeure doit présenter les caractères du domicile apparent du preneur.

Pour Pascal, ses mises en demeure permettaient d’engager valablement l’action en résiliation du bail. En effet, elles avaient été envoyées à l’adresse du domicile de Didier et les accusés de réception étaient revenus avec une signature correspondante, apparemment, à celle de ce dernier.

"Sa mère avait signé les accusés de réception à la place de son fils"

Mais Didier qui n’entendait pas perdre son bail, avait réagi. Son avocat avait invoqué le principe posé par l’article 670 du code de procédure civile. Selon ce texte, la notification est réputée faite lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire et elle est faite à domicile lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet. Or, en son absence, les lettres recommandées avaient été réceptionnées par sa mère qui avait signé les accusés de réception, sans avoir reçu mandat pour signer en son nom. Les notifications étaient bien irrégulières selon Didier et ne pouvaient permettre de rendre recevable l’action judiciaire en résiliation du bail.

Le tribunal avait pourtant jugé que les mises en demeure étaient conformes aux prescriptions légales puisqu’elles avaient été envoyées à l’adresse présentant les caractères du domicile du preneur. Et la Cour d’appel avait confirmé le jugement.

Saisie par Didier, la Cour de cassation a censuré cette motivation. En l’absence de signature par le destinataire lui-même, la régularité de la notification à domicile nécessitait que le signataire fût un tiers muni d’un pouvoir.

L’épilogue

La sanction de la résiliation du bail rural, outil de travail du preneur est si grave que la jurisprudence demeure rigoureuse sur sa mise en œuvre. Didier aura, ainsi, sauvé son bail. La cour de renvoi ne pouvant que constater que les mises en demeure, réceptionnées et signées par sa mère, étaient bien irrégulières.

Arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2022, pourvoi n° 21-13.358