L’histoire
Anne qui vivait depuis quelques années en concubinage avec Marc, possédait un beau terrain constructible situé au bord du Cher. Souhaitant édifier sur ce terrain une maison en vue de constituer le logement familial, Anne et Marc avaient sollicité et obtenu, à leur nom, un permis de construire et souscrit solidairement un emprunt pour financer une partie des travaux. Après plusieurs années de vie commune, le lien affectif s’étant étiolé, Anne et Marc avaient décidé de se séparer.
Le contentieux
Rapidement la question du financement des travaux de construction de la maison bâtie sur le terrain d’Anne allait se poser. Estimant avoir réalisé la majorité de ces travaux, Marc avait assigné Anne devant le tribunal judiciaire, afin d’obtenir le paiement d’une indemnité, dont le montant devrait être fixé au vu d’une expertise. Il fondait sa demande sur l’article 555 du code civil. Selon ce texte, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce tiers, le propriétaire du fonds, qui souhaite conserver la propriété des constructions, doit rembourser au tiers le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions. Marc avait versé aux débats de nombreux documents établissant qu’il avait largement financé de ses deniers personnels les travaux de construction de la villa servant de logement familial. Aussi sa demande de paiement d’une indemnité correspondant aux frais déboursés pour ces travaux était-elle bien fondée, selon lui.
"Estimant avoir réalisé la majorité des travaux, il demandait le paiement d'une indemnité"
Mais Anne, avait une tout autre vue sur la situation. La maison construite sur son terrain constituait le logement familial, dont Marc avait largement profité. La participation de Marc aux travaux de construction du logement devait être regardée comme une part de la contribution aux charges de la vie courante, telle que fixée par les concubins. Elle ne pouvait donc donner lieu au paiement d’une quelconque indemnité selon elle.
Les juges avaient pourtant accueilli la demande de Marc. Ce dernier et Anne avaient participé ensemble à la construction, avaient obtenu le permis de construire à leurs deux noms et avaient souscrit solidairement un emprunt pour financer une partie des travaux. Et si Marc avait profité de la maison pendant plusieurs années, cette circonstance n’excluait pas la possibilité d’une indemnisation pour sa participation à la construction.
Mais saisie par Anne, la Cour de cassation a censuré cette motivation au visa de l’article 515-8 du code civil relatif au concubinage. Les juges d’appel auraient dû rechercher si la participation de Marc à la construction de la maison ne relevait pas, au moins pour partie, de sa contribution aux dépenses de la vie courante.
L’épilogue
Marc aura appris, à ses dépens, qu’en l’absence de disposition légale réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, faute de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées. Aussi, la cour de renvoi aura-t-elle la délicate mission de vérifier si la participation de Marc à la construction de la maison familiale excédait ou non sa part contributive aux charges de la vie commune.