L’histoire

La combinaison de la législation sur le contrôle des structures avec celle relative au statut du fermage peut être source de complications juridiques. Le litige auquel a été confronté Florentin en est un bon exemple. Ce dernier exploitait des vignes sur les pentes du mont Ventoux (Vaucluse) dans le cadre d’un bail que lui avait consenti Céline. Les années passant, il avait reçu de sa propriétaire un congé en raison de son âge, prenant effet au 25 mars 2008. Désireux de transmettre son exploitation, Florentin avait contesté le congé devant le tribunal paritaire et sollicité l’autorisation de céder le bail à son fils, bénéficiaire d’une autorisation d’exploiter.

Le contentieux

La procédure aurait pu se dérouler simplement. Le tribunal s’était borné à apprécier la légitimité de la demande de cession et à autoriser l’opération. Mais devant la cour d’appel, le débat s’était compliqué. Céline avait, en parallèle, formé un recours devant le tribunal administratif contre l’arrêté du préfet accordant l’autorisation d’exploiter au bénéfice du fils de Florentin. Aussi, la cour d’appel avait-elle décidé, le 31 mai 2011, de surseoir à statuer sur la demande de Florentin et de radier l’affaire le temps que le juge administratif se décide. Mais l’attente était longue car la procédure devant les juridictions administratives s’était enlisée.

Le jugement du tribunal administratif, ayant annulé l’autorisation d’exploiter délivrée au fils de Florentin, avait été frappé d’appel devant la cour administrative. Celle-ci avait confirmé le jugement, mais son arrêt avait fait l’objet d’un pourvoi en cassation, rejeté par le Conseil d’état le 31 mars 2014. Il s’était écoulé près de trois ans entre cette décision et celle de la cour d’appel ayant sursis à statuer sur la demande de cession du bail.

À l’issue de la procédure administrative, la cour d’appel pouvait à nouveau se prononcer sur la demande de cession. Florentin, qui souhaitait la confirmation du jugement lui ayant accordé l’autorisation de céder le bail, avait pu invoquer la péremption d’instance visée à l’article 392 du code de procédure civile. Ce texte dispose que « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. » Florentin n’avait-il pas raison finalement ? Depuis la décision de radiation intervenue plus de trois ans auparavant, les parties n’avaient accompli aucune diligence. Aussi, le jugement du tribunal paritaire ayant autorisé la cession du bail était bien devenu définitif. Mais les juges d’appel n’ont pas été sensibles à cet argument de droit de Florentin. Ils ont rappelé que le délai de péremption ne courrait pas lorsque la suspension de l’instance résultait d’un événement déterminé. Et ils ont constaté qu’en l’espèce, l’instance avait bien été suspendue jusqu’à la décision rendue par le Conseil d’état rejetant le pourvoi du fils de Florentin. Saisie par ce dernier, la Cour de cassation n’a pu qu’écarter son recours, car les juges du fond avaient appliqué la règle de droit. Toutefois, les juges d’appel ont été censurés sur la demande de cession, faute d’avoir vérifié si le fils de Florentin, à défaut d’autorisation d’exploiter, remplissait les conditions de capacité professionnelle.

L’épilogue

La cour de renvoi devra procéder à cette vérification de capacité, qui pourra permettre d’autoriser la demande de cession. Ce litige aura permis de mesurer les complications engendrées par le double contentieux, judiciaire et administratif. En l’espèce, plus de dix années se sont écoulées entre la date d’effet du congé et la décision définitive relative à la demande de cession.