L’HISTOIRE : La mise à disposition des terres louées au profit d’une société d’exploitation ne va pas toujours sans difficultés. Souci dont le bailleur peut parfois chercher à profiter. Un bail rural avait été consenti à Yann, sur plusieurs parcelles qu’il avait mises à la disposition de la SCEA du Bel épi, constituée avec son épouse. Tout allait bien jusqu’au jour où Yves, le bailleur, lui avait signifié un congé pour reprise au profit de sa fille, dans le cadre d’une EARL familiale. Yann, qui ne pouvait accepter de quitter l’exploitation, avait contesté le congé devant le tribunal paritaire. Il avait, en outre, sollicité l’autorisation de céder le bail à son fils, exploitant.
LE CONTENTIEUX : Les juges avaient annulé le congé d’Yves. L’EARL constituée entre lui et sa fille, qui devait mettre en valeur les terres reprises, ne justifiait pas d’une autorisation d’exploiter. Passée cette étape, le tribunal devait également se prononcer sur la demande de cession du bail formée par Yann. Ce dernier était-il de bonne foi au sens de l’article L. 411-35 du code rural ? Avait-il correctement et constamment exécuté l’ensemble des obligations mises à sa charge par le bail ? Yves était assuré qu’il ne l’était pas. Il faisait valoir que Yann ne l’avait pas tenu informé du départ de son épouse de la SCEA et de l’arrivée de son fils comme nouvel associé. Yves s’était référé à l’article L. 411-37 du code rural, dans sa rédaction applicable lors de la mise à disposition intervenue en 1995, et il avait soutenu que le preneur qui avait mis à disposition d’une société les biens donnés à bail devait informer le bailleur de tout changement d’associé. Aussi, Yann, qui avait manqué à cette obligation, devait être considéré comme étant de mauvaise foi, justifiant le refus de l’autorisation de cession. Mais les anciennes dispositions de l’article L. 411-37 étaient-elles applicables ? La réponse à cette question était importante, car la nouvelle rédaction de ce texte, issue de la loi du 9 juillet 1999, ne fait plus obligation au preneur d’informer le bailleur du départ ou de l’arrivée de nouveaux associés. Telle est la solution consacrée par la cour d’appel, et que la Cour de cassation a approuvée. Elle a relevé que la nouvelle rédaction de l’article L. 411-37 du code rural avait vocation à s’appliquer aux événements postérieurs à son entrée en vigueur. Or, le remplacement d’associé de la SCEA se déroulait après la modification de l’article. Ensuite, elle a jugé que le preneur, dès lors qu’il restait associé exploitant de la société au profit de laquelle les terres étaient mises à disposition, n’avait pas l’obligation d’informer le bailleur du départ ou de l’arrivée de nouveaux associés. Yves ne pouvait reprocher à Yann d’avoir manqué à ses obligations et d’être de mauvaise foi.
L’ÉPILOGUE : Yann a donc été autorisé à céder son bail à son fils. Il pourra poursuivre la mise en valeur des terres dans le cadre de la SCEA du Bel épi, avec le concours de son père, qui restera associé. À cet égard, la solution retenue par l’arrêt s’inscrit dans l’évolution très restrictive des sanctions désormais appliquées en cas de manquement du preneur au formalisme de la mise à disposition visé à l’article L. 411-37 du code rural.