L’histoire
Jules aura appris à ses dépens que le départ à la retraite peut avoir de graves conséquences sur le sort du bail. Propriétaire, Maud lui avait consenti, en début de carrière, un bail sur des parcelles de polyculture, qu’il avait mises à la disposition d’un Gaec constitué avec son fils.
Après trente années de labeur, Jules avait décidé de prendre sa retraite. Il s’était retiré du Gaec, et avait cédé ses parts à son fils. Ce dernier avait sollicité une autorisation d’exploiter au nom du groupement, en prenant la qualité de preneur. Mais Maud, qui voulait retrouver la jouissance des terres, avait signifié à Jules un congé en raison de son âge.
Le contentieux
Le fermier avait contesté le congé devant le tribunal paritaire et sollicité l’autorisation de céder le bail à son fils, comme l’article L. 411-64 du code rural l’autorisait. Ce texte précise que le preneur évincé en raison de son âge peut céder son bail à l’un de ses descendants ayant atteint l’âge de la majorité dans les conditions prévues à l’article L. 411-35. Pour Jules, la transmission du bail à son fils ne faisait aucune difficulté. Il s’était constamment acquitté de ses obligations nées du bail, de sorte que sa bonne foi ne pouvait être mise en cause. De plus, son fils portait un projet cohérent de façon à développer l’exploitation, et remplissait toutes les conditions de capacité professionnelle requises afin de mettre en valeur les biens loués.
Face à ces constats, le tribunal ne pouvait qu’autoriser la cession du bail. Mais Maud avait fait valoir des éléments de fait, incontestables, justifiant son refus d’autoriser la cession. Elle n’avait en effet aucun doute sur la mauvaise foi de Jules. Sans son accord et avant la notification du congé, celui-ci avait laissé son fils prendre en main la mise en valeur des biens loués après son retrait du Gaec. Dans le même temps, ce dernier s’était prévalu de la qualité de preneur pour mettre les terres à la disposition du Gaec, dont il était devenu le seul associé, tout en demandant une autorisation d’exploiter au nom du groupement.
Pour se rattraper, Jules avait bien tenté de revenir en arrière en rétorquant qu’une assemblée générale du Gaec avait constaté son souhait de reprendre les parts qu’il avait déjà cédées à son fils. Mais c’était trop tard ! Les juges avaient constaté que Jules avait prématurément cédé son bail sans l’accord de Maud et tenté de régulariser la situation seulement après la délivrance du congé. Aussi, ces manquements étaient suffisamment graves pour le constituer de mauvaise foi et faire obstacle à l’autorisation demandée. Pour le fermier, cette solution n’était pas acceptable. Le tribunal aurait dû s’expliquer, selon lui, sur la gravité des manquements reprochés et prendre en compte sa volonté de régulariser la situation. Mais c’était peine perdue pour la Cour de cassation, qui rejeta le recours de Jules.
L’épilogue
Jules devra donc quitter les lieux loués sans avoir pu céder le bail à son fils. C’est le prix que lui aura coûté son imprudence. Par ailleurs, une précaution importante s’impose à lui désormais. Avant de régler son dossier de retraite auprès de la MSA, il devra préalablement solliciter l’agrément du bailleur ou obtenir l’autorisation du tribunal pour transmettre le bail à son fils.