L’histoire
Olivier avait donné à bail à Martin un domaine agricole, comprenant des parcelles de terre et des bâtiments d’habitation et d’exploitation, situé sur les coteaux du Lyonnais. Sur l’une des parcelles, Martin avait développé une activité commerciale de scierie, avec stockage et vente de bois de chauffage. L’âge commençant à peser sur ses épaules, Martin avait sollicité du bailleur l’autorisation de céder son bail à son fils. Mais Olivier avait refusé l’opération et donné congé à Martin en raison de son âge.
Le contentieux
Ce dernier avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession du bail. Martin était convaincu que la cession du bail ne pouvait lui être refusée par le tribunal paritaire. Dans le cadre de l’article L. 411-35 du code rural, il est admis que la faculté de céder le bail à un descendant apparaît comme une faveur à laquelle seul un preneur diligent peut prétendre comme n’ayant pas manqué à toutes les obligations légales ou conventionnelles résultant du bail. Autrement dit, la faculté de cession est une faveur réservée au fermier de bonne foi, c’est-à-dire à celui qui s’est constamment acquitté des obligations de son bail. Pour Martin, la faculté de cession lui était acquise car aucun reproche ne pouvait lui être fait sur les conditions dans lesquelles il avait mis en valeur le domaine loué. De plus, les fermages avaient été régulièrement payés.
Mais Olivier avait maintenu son refus d’autoriser la cession. Martin avait bien exploité depuis son entrée dans les lieux une activité de scierie avec vente de bois de chauffage sur l’une des parcelles louées sans l’accord du bailleur, ce dont il résultait qu’il avait développé une activité commerciale sur les terres affermées.
Le tribunal et, à sa suite, la cour d’appel avaient fait preuve de compréhension à l’égard de Martin. S’il n’était pas justifié que ce dernier eût sollicité un accord d’Olivier en vue d’exercer une activité commerciale de scierie avec stockage et vente de bois, cette activité avait été développée au vu et au su du propriétaire sur une partie très réduite du domaine pris à bail, sans qu’il y ait péril de l’exploitation dans son ensemble. Dès lors, Martin ne pouvait être regardé comme étant de mauvaise foi et la cession du bail devait être autorisée.
Pourtant, saisie par Olivier, la Cour de cassation a fait preuve de plus de rigueur et a censuré cette motivation. Martin, preneur en place, avait bien manqué à son obligation d’exploiter le fonds mis à sa disposition conformément à la destination que lui avait conféré le bail. Aussi, les juges auraient-ils dû tirer les conséquences légales de cette situation en retenant la mauvaise foi de Martin.
L’épilogue
Devant la cour de renvoi, Olivier pourra faire valoir que Martin, en développant une activité commerciale sur une des parcelles louées, avait bien manqué aux obligations du contrat. Si sévère soit-elle pour Martin, la solution confirme que la faculté de cession du bail reste une faveur qui ne doit pas porter atteinte aux intérêts légitimes du bailleur.