L’HISTOIRE. La rédaction d’un congé peut révéler des surprises. Quentin avait pris à bail une belle parcelle, d’un seul tenant, en haute Somme, appartenant à son père. À la suite du partage de la succession de ce dernier, elle avait été attribuée en pleine propriété à son frère, Clément.
Ce dernier, souhaitant reprendre la parcelle, s’était empressé de délivrer un congé à son frère cadet en vue de refuser le renouvellement du bail. Il avait avancé dans son courrier que Quentin avait sous-loué la parcelle à une EARL. Quentin avait contesté ce congé devant le tribunal paritaire et sollicité l’autorisation de céder le bail à son fils.
LE CONTENTIEUX. Pour le fermier, le congé était voué à l’échec. La preuve de la sous-location de la parcelle n’était pas établie. Celle-ci avait été simplement mise à la disposition de l’EARL, dont il était l’associé, dans le respect des conditions de l’article L. 411-37 du code rural.
Faute de pouvoir établir une réelle sous-location de la parcelle, Clément était conscient de l’inanité de son congé. En cours d’instance, il avait alors fondé son refus de renouvellement du bail sur un nouveau motif. Il avait tiré celui-ci de la sous-location d’une maison ouvrière située en bordure de la parcelle louée. Clément pouvait-il, en cours de procédure, s’opposer au renouvellement du contrat en se fondant sur un motif qui ne figurait pas dans le congé ?
Pour Quentin, une réponse négative s’imposait. La mise en œuvre d’un congé obéit à un régime strict. L’article L. 411-47 du code rural pose un principe d’intangibilité du motif du congé : il interdit au bailleur de modifier celui qui est énoncé dans l’acte. Autrement dit, les mentions figurant dans le congé, prescrites à peine de nullité, ne peuvent être ultérieurement tenues pour non avenues et remplacées par des dispositions différentes, sans l’accord du preneur. Toute modification en cours de procédure des termes du congé est donc sans effet. Même si le motif invoqué dans l’acte, apprécié à sa date d’effet, n’est pas fondé, le bailleur ne peut à l’occasion de sa contestation, invoquer un autre motif.
Les juges ont donné raison à Quentin. Ils ont annulé le congé délivré par son frère en affirmant que l’acte doit, à peine de nullité, mentionner les motifs allégués par le bailleur, ce qui lui interdit d’en modifier ensuite l’énoncé. Aussi, dans la mesure où Clément avait refusé le renouvellement du bail sur la parcelle à la seule motivation que le preneur l’avait sous-louée sans autorisation, le grief tenant à la sous-location d’une maison ouvrière, invoqué en cours d’instance, était inopérant.
La jurisprudence étant bien établie en ce sens, le pourvoi de Clément ne pouvait qu’être écarté.
L’ÉPILOGUE. L’annulation du congé a permis le renouvellement du bail, et Quentin pourra réitérer sa demande de cession du contrat au profit de son fils. On retiendra de ce contentieux que le formalisme du congé requiert une grande rigueur de la part de celui qui entend s’opposer au renouvellement d’un bail rural. Lorsque la procédure a initialement été mal engagée, il est vain de réparer la maladresse en essayant, en cours d’instance, de faire « feu de tout bois ».