L’histoire

Jamais Louis, installé en Gaec depuis des années avec son épouse, n’aurait imaginé qu’un jour il aurait à répondre des désagréments provoqués par ses animaux. Son élevage de bovins charolais, qui était situé à la sortie du village, disposait de plusieurs bâtiments. L’un d’entre eux était consacré à ranger le foin. Le cheptel ayant augmenté, il fallait trouver une solution pour abriter les jeunes bovins. Aussi, Louis avait-il décidé de transformer le bâtiment de stockage en stabulation. Jules, dont la maison se trouvait sous le vent de l’installation, s’était plaint des odeurs et du bruit dégagés par les animaux.

Le contentieux

En l’absence de remèdes possibles, Jules avait demandé au juge d’interdire à son voisin d’utiliser un hangar à usage de stockage comme bâtiment d’élevage. Il faisait reposer sa demande sur un principe intangible, selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Or, la présence des jeunes bovins dans le bâtiment transformé en stabulation, situé à moins de 50 mètres de sa maison, entraînait des désagréments en termes de bruit et d’odeurs. Ceux-ci dépassaient largement les inconvénients que l’on pouvait supporter en milieu rural.

Par ailleurs, le règlement sanitaire départemental exigeait que les bâtiments d’élevage fussent implantés à plus de 50 mètres des immeubles habités par des tiers. Aussi, seule la suppression de la stabulation pouvait permettre de remédier à la situation.

Mais Louis, qui ne pouvait accepter de modifier la conduite de son élevage, avait de bons arguments pour s’opposer à la demande exorbitante de Jules. D’une part, en pays d’élevage, les désagréments provoqués par une étable ne peuvent être qualifiés d’anormaux. En venant s’installer à la campagne, Jules devait donc s’attendre à être exposé à un environnement sonore et olfactif différent de celui de la ville. D’autre part, sur le plan du droit, la seule infraction au règlement sanitaire invoquée par Jules ne pouvait caractériser, en soi, un trouble de voisinage.

Pourtant, les juges du fond se sont montrés sévères. Louis avait bien méconnu le règlement sanitaire départemental imposant l’implantation de tout bâtiment d’élevage à une distance de plus de 50 mètres des immeubles. De plus, en l’absence d’une autorisation, le changement d’usage concernant le hangar de stockage était irrégulier. La présence des bovins était donc bien de nature, selon eux, à causer à Jules un préjudice de voisinage en termes de bruit et d’odeurs. Les juges ont ainsi interdit à Louis d’utiliser le bâtiment à usage de stockage comme stabulation. Une sanction qu’a confirmée par la suite la Cour de cassation.

L’épilogue

La décision est rude pour Louis, qui devra désormais se conformer aux préconisations de l’administration avant d’envisager l’agrandissement de sa première stabulation.

Devant un autre tribunal, Louis aurait-il pu bénéficier de l’immunité consacrée par la loi pour les activités agricoles entraînant des nuisances à des bâtiments situés à proximité, dès lors que celles-ci existaient avant l’installation du voisin ? Rien n’est moins sûr, car Louis avait méconnu le règlement sanitaire…