L’histoire
Pascale, propriétaire de parcelles de cerisiers, les avait données à bail à Sophie. Après près de vingt ans de location, Pascale avait donné congé à Sophie pour la totalité des parcelles aux fins de reprise au profit d’Éric, son époux, exploitant agricole pluriactif. Sophie, qui n’entendait pas perdre son outil de travail, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.
Le contentieux
À l’appui de sa contestation, Sophie avait fait valoir qu’étant pluriactif, avec un revenu fiscal supérieur au seuil déclenchant le contrôle des structures, Éric devait être titulaire d’une autorisation administrative d’exploiter. Elle s’était fondée sur l’article L. 331-2,1 du code rural, qui dispose que sont soumis à autorisation préalable, quelle que soit la superficie en cause, les installations ou les agrandissements, lorsque l’exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (Smic). Or, en l’espèce, le seuil de 3 120 fois le montant horaire du Smic était de 30 451 €, tandis que les revenus nets d’Éric, au titre de ses salaires et des revenus fonciers, s’étaient élevés à 30 539 €, soit un montant légèrement supérieur au seuil déclenchant le contrôle des structures. Aussi, Éric devait-il justifier d’une autorisation d’exploiter, selon Sophie.
Mais pour ce dernier, le calcul était erroné. En effet, selon l’article R. 331-2 du code rural, les revenus extra-agricoles visés à l’article L. 331-2,1 sont constitués du revenu fiscal de référence du demandeur au titre de l’année précédant la demande, déduction faite, s’il y a lieu, de la part de ce revenu provenant d’activités agricoles. Aussi, pour apprécier le montant net du revenu fiscal de référence, à comparer au seuil déclenchant le contrôle des structures, convenait-il de prendre en considération son revenu agricole déficitaire de 13 781 €, ce qui ramenait son revenu extra-agricole à un montant très inférieur au seuil de 3 120 fois le montant horaire du Smic. Aussi, aucune autorisation d’exploiter n’était-elle nécessaire, selon Éric.
Pourtant les juges s’étaient montrés restrictifs. Ils avaient annulé le congé en retenant que le revenu fiscal de référence était supérieur au seuil déclenchant le contrôle des structures, dans la mesure où, pour apprécier ce revenu, seuls les revenus extra-agricoles devaient être pris en considération, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’intégrer le revenu agricole déficitaire de 13 781 €. Le nœud du litige tenait dans l’appréciation de la notion de revenu extra-agricole. La Cour de cassation, saisie du pourvoi d’Éric, a éclairci le débat : le revenu agricole déficitaire devait être déduit de son revenu fiscal de référence.
L’épilogue
La cour de renvoi pourra constater que, compte tenu du revenu agricole déficitaire déclaré par Éric, son revenu extra-agricole est sensiblement inférieur au seuil déclenchant le contrôle des structures : aussi, aucune autorisation d’exploiter n’était-elle nécessaire.