L’HISTOIRE. Les prétoires sont régulièrement saisis de querelles de voisinage qui, bien souvent, trouvent leur origine dans l’enclave des parcelles qui en sont l’objet. Yves avait fait l’acquisition d’un terrain, sur lequel il envisageait d’y édifier la maison de ses vieux jours. Cette parcelle était bordée par celle de Jean, son vendeur, qui bénéficiait d’un accès à la rue principale de la commune. Pour accéder à son terrain, Yves utilisait un passage de 3,50 m, situé en bordure de la parcelle de Jean, que ce dernier lui avait accordé dans l’acte de vente. Estimant que cette situation ne présentait pas de garantie juridique suffisante pour la réalisation de son projet de construction, Yves avait assigné Jean en revendication d’une servitude de passage pour enclave au profit de son fonds.
LE CONTENTIEUX. Les juges devaient trancher entre deux séries d’arguments juridiques pertinents. D’un côté, Yves avait pris le soin d’invoquer l’article 682 du code civil. Selon ce texte, le propriétaire - dont le fonds est enclavé et qui n’a sur la voie publique aucune issue suffisante pour la réalisation d’opérations de construction - est fondé à réclamer sur le fonds de son voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds. Pour Yves, aucune place au doute n’était laissée. Son terrain était bien enclavé et l’engagement de son vendeur, consigné dans l’acte de vente, de lui accorder sur son fonds un passage de 3,50 m pour sortir de chez lui ne pouvait le priver de la faculté de revendiquer une servitude légale de passage. De l’autre côté, Jean s’était prévalu d’une jurisprudence admettant que le fonds qui bénéficie d’une tolérance de passage, permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation, n’est pas enclavé, tant que cette tolérance est maintenue.
À la suite des débats, les juges avaient tranché en faveur d’Yves. Ils avaient constaté qu’à l’origine, il existait un ensemble de parcelles qui avaient fait l’objet d’une division en 1974. Cette opération avait eu pour conséquence de provoquer la situation d’enclave du terrain que Jean lui avait vendu quelques années plus tard. Et seul Yves disposait, sans cession possible, d’une autorisation personnelle de passage sur la parcelle de Jean. Le terrain était bien enclavé et sa demande était justifiée. Mais devant la Cour de cassation, Jean avait à nouveau fait valoir que le fonds de son voisin n’était pas enclavé puisque l’acte de vente mentionnait qu’il lui avait accordé une autorisation de passage. La haute juridiction s’est montrée convaincue. Elle a censuré la cour d’appel. Elle a rappelé que le fonds qui bénéficie d’une tolérance de passage, permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation, n’est pas enclavé tant que cette tolérance est maintenue.
L’ÉPILOGUE. Devant la cour de renvoi, Jean pourra faire juger que l’autorisation personnelle de passage sur le chemin incriminé accordé à Yves, telle que mentionnée dans son acte de vente, doit être assimilée à une servitude conventionnelle. Mais Yves devra s’assurer qu’elle aura une durée suffisante pour garantir la pérennité de son projet .