L’histoire
La mise en valeur de terres dans le cadre d’une société implique de respecter la réglementation sur le contrôle des structures. Un usage qui n’est pas sans susciter des complications. Depuis de nombreuses années, Martial exploitait diverses parcelles au cœur de la Beauce. Il bénéficiait d’un bail que lui avait consenti Anne. Il devait passer la main et son fils avait les capacités de lui succéder. Mais Anne l’avait devancé en lui délivrant congé en raison de son âge. Martial, qui entendait transmettre le bail à son fils, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession.
Le contentieux
Selon l’article L. 411-64 du code rural, le preneur évincé en raison de son âge a la faculté de céder son bail à l’un de ses descendants. Ce dernier doit avoir atteint l’âge de la majorité et réunir les conditions relatives à l’aptitude du candidat à la cession et au contrôle des structures, lorsque l’autorisation d’exploiter est nécessaire. Or, devant le tribunal, Martial avait établi que son fils était titulaire d’un BTSA, qui permettait de valider la poursuite du bail, et n’avait pas à justifier d’une autorisation d’exploiter en raison de sa situation personnelle. Il s’agissait d’une première installation sur une superficie inférieure au seuil fixé par le schéma directeur régional. La cession du bail ne pouvait être refusée selon lui. Mais Anne, qui entendait recouvrer la jouissance des parcelles, avait invoqué un argument juridique de taille. Puisque les terres louées devaient être mises à la disposition de l’EARL constituée entre Martial et son fils, une autorisation d’exploiter était nécessaire, compte tenu de la surface dont disposait la société. Aussi, en l’absence de ce sésame, la cession n’était pas possible.
La question était de savoir qui, du cessionnaire ou de la société, devait obtenir cette ladite autorisation ? Pour le tribunal paritaire, la situation du fils de Martial était régulière au regard de la réglementation afférente au contrôle des structures et il ne pouvait y avoir confusion entre ce dernier, seul bénéficiaire à titre personnel de la cession du bail et l’EARL, exploitante des terres dont il était associé. La cession devait être autorisée, ce que la cour d’appel avait confirmé. Mais c’était méconnaître la jurisprudence rappelée par Anne dans son pourvoi : l’autorisation d’exploiter doit être justifiée par la société bénéficiaire de la mise à disposition des terres louées, peu importe que le candidat à la cession du bail en soit dispensé à titre personnel. Maintenant cette ligne, la Cour de cassation a censuré les juges d’appel. La conformité de l’opération au contrôle des structures devait être appréciée à l’égard de l’EARL.
L’épilogue
La solution est sévère pour Martial, qui ne sera pas autorisé à céder son bail à son fils en l’absence d’autorisation d’exploiter détenue par la société. Il devra se soumettre au congé en raison de son âge. L’affaire relance le débat sur les lourdeurs et les effets pervers de l’application, en matière de cession de bail, du dispositif relatif au contrôle des structures.