L’HISTOIRE. L’espèce révèle la complexité juridique des situations liées à l’incidence du contrôle des structures sur le bail rural.
Marie avait donné à bail à Robert un ensemble de parcelles. Après plusieurs renouvellements, elle lui avait donné congé pour le 31 octobre 2015, pour reprise au profit de son fils. Robert avait contesté devant le tribunal paritaire. La reprise n’était pas possible selon lui. Le fils de Marie n’avait pas déposé de déclaration avant l’échéance. Et il n’était pas titulaire d’une autorisation d’exploiter à la date d’effet du congé.
LE CONTENTIEUX. Pour l’avocat de Robert, il fallait appliquer l’article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014. Aussi, pour bénéficier du régime simplifié de la déclaration, les biens, dits de famille, doivent « être libres au jour de la déclaration ». D’ailleurs, le décret du 22 juin 2015 pris pour l’application de cette loi - concernant les schémas régionaux des structures agricoles - précise que la déclaration, mentionnée à l’article L. 331-2, devait être préalable à la mise en valeur des biens dans une nouvelle rédaction de l’article R. 331-7.
Or, le fils de Marie n’avait pas déposé de déclaration avant la date d’effet du congé. Il aurait dû, en conséquence, justifier d’une autorisation d’exploiter. Mais le nouveau dispositif était-il applicable en l’espèce ? Certainement pas pour sa mère. L’article 4 du décret du 22 juin 2015, qui modifiait l’article R. 331-7 relatif à la déclaration, ne devait entrer en vigueur qu’à la date de publication du schéma directeur régional des structures agricoles. Or, à la date d’effet du congé, correspondant au jour où il convenait de se placer pour apprécier les conditions de la reprise, ce schéma - publié le 29 juin 2016 - n’était pas entré en vigueur. Seul le dispositif antérieur à la loi d’avenir était applicable. Et comme la Cour de cassation l’avait admis, les biens devaient être considérés comme libres à la date d’effet du congé. La reprise était bien soumise au régime de la déclaration.
Malgré tout, les juges du fond avaient appliqué les nouvelles dispositions de l’article R. 331-7 du code rural, issues du décret du 22 juin 2015. Comme à la date d’effet du congé, les biens n’étaient pas « libres de location », le bénéficiaire de la reprise devait justifier d’une autorisation d’exploiter.
Saisie d’un recours par Marie, la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel entachée d’erreur : en effet, le schéma directeur des structures de la région, dans laquelle était située l’exploitation, était entré en vigueur le 29 juin 2016, alors que le congé avait été délivré pour le 31 octobre 2015. Il convenait d’appliquer l’ancien dispositif relatif au régime de la déclaration et considérer qu’à la date d’effet du congé les biens repris étaient libres de location.
L’ÉPILOGUE. Marie pourra donc installer son fils sur le domaine loué en respectant le régime simplifié de la déclaration.
Mais n’est-il pas grand temps de simplifier le dispositif combinant deux procédures aux origines et finalités différentes ?