L’histoire

Paul avait pris à bail diverses parcelles à vocation céréalière. Au décès du bailleur, son fils, Jean, avait engagé une procédure en ouverture de la succession. Dans le même temps, le 29 septembre 2005, ce dernier avait donné congé à Paul, qui l’avait contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Plusieurs décisions croisées avaient été rendues sur la validité du congé et sur l’instance successorale, qui avaient abouti à un arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2015. Il constatait la péremption de l’instance en contestation du congé et cassait l’arrêt qui l’avait annulé. Entre-temps et en désespoir de cause, le 29 avril 2010, le preneur avait à nouveau saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.

Le contentieux

Dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation de 2015, le tribunal paritaire avait d’abord sursis à statuer. Mais l’affaire avait été rappelée devant le tribunal, afin de statuer sur la validité du congé. Pour Jean, la contestation de ce dernier formée par Paul était irrecevable. En effet, l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. Ainsi, pour Jean, la nouvelle contestation du congé du 29 septembre 2005 était bien irrecevable car la péremption d’instance constatée par l’arrêt de la Cour de cassation ne permettait pas de la faire renaître cinq ans plus tard par la nouvelle action de 2010.

Mais l’avocat de Paul connaissait bien le code de procédure civile. Selon son article 389, « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement l’extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir ». Le demandeur peut aussi introduire une nouvelle instance après la péremption de la première, à la condition qu’aucune prescription ou forclusion ne s’y oppose. Or, en l’espèce, la contestation du congé respectait cette dernière condition. En effet, si le preneur, destinataire d’un congé pour reprise, doit le déférer au tribunal paritaire dans les quatre mois à dater de sa réception, sous peine de forclusion, celle-ci n’est pas encourue si le congé est nul en la forme, faute de comporter les mentions exigées par l’article L. 411-47 du code rural. Pour l’avocat de Paul, le congé était bien irrégulier et nul car il ne désignait pas l’habitation que devait occuper le repreneur à proximité des biens repris pour les exploiter. Les juges lui ont donné raison. La péremption d’instance n’éteignait pas l’action et n’interdisait pas aux parties d’introduire une nouvelle instance. Et le délai de quatre mois imparti à Paul pour mettre en cause le congé n’avait pas couru car les mentions de l’acte délivré le 29 septembre 2005 étaient incomplètes.

L’épilogue

La contestation du congé étant recevable, les juges ont annulé l’acte car ses seules mentions mettaient Paul dans l’incapacité d’apprécier si la condition d’habitation à proximité du fonds repris était ou non remplie. L’acharnement processuel de Paul, bien conseillé, lui aura, au moins, permis de bénéficier de deux renouvellements de son bail, le premier en 2007 et le second en 2016.