L’histoire

Clément, titulaire d’un bail rural portant sur diverses parcelles de terre, disposait de deux accès. Le premier impliquait de franchir un ruisseau par un pont busé et de traverser une partie d’une parcelle appartenant à Adèle, la bailleresse. Le second consistait en une tolérance de cette dernière, qui avait autorisé Clément à utiliser un chemin sur toute la longueur des parcelles lui appartenant. Cette dernière solution était plus longue en distance, mais plus commode pour accéder au fonds loué.

Lors de la vente de certaines de ces parcelles, Adèle avait mis fin à cette tolérance. Estimant qu’elle avait manqué à ses obligations de délivrance, Clément avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en remise en état des terrains dont l’accès avait été modifié. Il demandait également une indemnisation.

Le contentieux

Clément n’avait-il par le droit en sa faveur ? Selon l’article 1719 du code civil, « Le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° de délivrer au preneur la chose louée… » Ce texte met à la charge du bailleur une obligation de délivrance, consistant à remettre au locataire le fonds loué avec ses accessoires. Clément avait d’ailleurs invoqué une jurisprudence qui affirme le caractère essentiel de l’obligation de délivrance mise à la charge du bailleur, qui doit permettre au locataire d’exploiter les lieux loués conformément à leur destination.

Or, en l’espèce, du fait de la suppression par Adèle de la seconde possibilité d’accès aux parcelles louées, Clément n’avait-il pas perdu la faculté d’y accéder facilement, alors qu’il avait continué à en régler le loyer ? Il s’agissait bien d’un manquement d’Adèle à son obligation de délivrance, justifiant une remise en état du chemin d’accès.

Cette dernière avait réagi. Depuis l’origine du bail, Clément avait, selon elle, toujours pu accéder aux parcelles louées par l’une ou l’autre des possibilités d’accès. Elle estimait en outre que la suppression de la seconde possibilité d’accès n’avait pas privé Clément de la jouissance des parcelles prises à bail.

Face à ces arguments, les juges ont écarté la prétention de Clément. Le bail avait pris effet en 1961, plus de cinquante ans avant le début du litige et, durant toutes ces années, le preneur avait eu une parfaite jouissance des parcelles louées, selon eux.

De plus, « le second passage dont se prévalait le preneur résultait d’une tolérance d’Adèle, propriétaire des parcelles traversées, à laquelle il avait été mis fin après leur cession à des tiers ». Pour les juges, cette dernière « avait pris en charge les frais de reconstitution de l’accès direct initial que le preneur avait détruit, de sorte que l’exploitation ne se heurtait à aucune difficulté ». Adèle n’avait donc pas manqué à son obligation de délivrance. Une solution que la Cour de cassation n’a pu que confirmer.

L’épilogue

Clément n’avait donc rien à reprocher à Adèle, qui avait bien rempli son obligation. En outre, il devra quitter les parcelles louées car le bail a été résilié à la demande d’Adèle. En effet, Clément avait volontairement, tout en étant de mauvaise foi, renoncé à exploiter les parcelles en cause, ce qui avait occasionné des travaux de remise en état dont le coût représentait plus de dix ans de fermage annuel.