L’HISTOIRE

Alice, qui développait un élevage de charolaises sur un ensemble de prairies situées en pays brionnais, souhaitait s’agrandir. Aussi, lorsqu’elle avait appris que Richard vendait ses herbages jouxtant ses prairies, elle lui avait proposé de les acquérir.

Le notaire avait notifié à la Safer les conditions de la vente. Elle lui avait fait savoir qu’elle exerçait son droit de préemption et elle avait notifié sa décision à l’éleveuse, à l’adresse qui lui avait été communiquée. Mais le pli lui avait été retourné avec la mention « défaut d’adresse ». Aussi, quelques semaines plus tard, la Safer avait demandé au notaire de faire signifier sa décision à Alice.

LE CONTENTIEUX

L’éleveuse avait ensuite assigné la Safer en annulation de la préemption. Son conseil l’avait confortée. Selon l’article L. 143-3 du code rural, « à peine de nullité, la Safer doit justifier sa décision de préemption […] et la porter à la connaissance des intéressés ». Quant à l’article R. 143-6, il prévoit que la décision de préempter est notifiée à l’acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire. Et pour clôturer l’argumentaire, la jurisprudence de la Cour de cassation : l’absence d’une notification régulière de la décision de préemption vicie la décision de préemption elle-même. Aussi, pour Alice, en l’absence de notification régulière, la décision de préemption était nulle et la vente était parfaite.

Cet argumentaire était-il si pertinent ? La Safer l’avait contesté. En effet, elle avait bien notifié sa décision de préemption à l’éleveuse, dans le délai imparti par la loi, à son adresse, telle que mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner. Pour la Safer, si l’adresse à laquelle la décision avait été envoyée était incomplète, seul le notaire en était responsable. Cette circonstance était donc sans incidence sur la validité de la préemption. Le tribunal lui avait donné raison. La Safer avait fait preuve de diligence en notifiant sa décision de préemption, dans les quinze jours, à l’adresse communiquée par le notaire. Mais la cour d’appel avait été d’un autre avis. À défaut d’avoir été envoyée à une adresse valable, permettant la délivrance du pli à son destinataire, la notification était nulle, indépendamment de toute faute de la Safer, car l’objectif d’information personnelle de l’acquéreur n’étant pas rempli.

Or, la Safer avait attendu plusieurs semaines avant de saisir le notaire pour qu’il fasse signifier à Alice sa décision de préemption. Celle-ci était donc tardive et nulle, ce que la Cour de cassation a approuvé en estimant que les juges d’appel s’étaient prononcés « à bon droit ».

L’ÉPILOGUE

L’éleveuse pourra s’agrandir en profitant des prairies de Richard. En réalité, la Safer aurait dû, dès le retour de la lettre recommandée, procéder par voie de signification, conformément à l’article 670-1 du code de procédure civile, dans la mesure où le délai de quinze jours n’était pas expiré.