L’HISTOIRE : Les conflits de voisinage occupent régulièrement les prétoires, où les conditions de desserte des fonds sont l’objet de nombreux débats. Telle était la situation rencontrée par Yves. Celui-ci avait reçu en héritage un petit mas bordé par un sentier très étroit ouvrant un accès difficile à la voie publique. Pour faciliter ses déplacements, il avait souhaité utiliser un chemin de traverse qui desservait la propriété d’Axel, son voisin, et dont ce dernier s’était réservé l’usage exclusif. Ce dernier avait installé un panneau « chemin privé » et une barrière amovible, dont il se réservait la manœuvre. Cette situation n’était pas supportable pour Yves, qui avait assigné Axel en désenclavement de sa propriété.

LE CONTENTIEUX : Il disposait d’une arme efficace pour y arriver. Il estimait avoir pour lui l’article 682 du code civil reconnaissant au propriétaire d’un fonds enclavé, le droit d’obtenir, sur le fonds de ses voisins, un passage suffisant pour assurer la desserte complète de sa propre parcelle. La jurisprudence admet d’ailleurs que le propriétaire peut réclamer un passage sur le fonds de son voisin, lorsque l’habitation de la maison concernée exige le passage de véhicules automobiles, compte tenu des conditions actuelles de la vie et de la nécessité de permettre un secours rapide en cas d’incendie. Compte tenu de la physionomie des lieux, Yves considérait que les conditions du désenclavement étaient réunies. Le petit sentier reliant sa maison à la voie publique étant bien trop étroit pour circuler en automobile. Mais pour Axel, la prétention d’Yves procédait davantage d’un souci de commodité et de convenance qui ne permettait pas de caractériser l’insuffisance de l’issue sur la voie publique. Il avait d’ailleurs produit un constat qui établissait que de simples travaux d’élargissement du sentier bordant la propriété d’Yves permettaient d’accéder à la route.

Saisi, le tribunal avait missionné un expert. Celui-ci avait constaté que l’élargissement du sentier incriminé exigerait des travaux importants et affecterait les propriétés voisines, ce qui était nettement plus dommageable que l’utilisation du chemin de traverse d’Axel. Au vu de ces conclusions, les juges avaient accueilli la demande d’Yves. Sa propriété ne disposait pas d’un accès suffisant à la voie publique, adapté aux besoins de la vie moderne et permettant une desserte par les véhicules de secours. Il y avait donc bien enclave. La Cour de cassation, saisie en désespoir de cause par Axel, n’a pu qu’écarter le recours : la solution retenue par les juges du fonds étant conforme à la jurisprudence.

L’ÉPILOGUE : Axel, qui s’est transformé en « garde-barrière » en la manœuvrant lui-même pour laisser passer les véhicules ou interdire leur accès, devra rétablir le libre accès au chemin de desserte. Il devra également verser à Yves une indemnité en réparation du préjudice occasionné par l’utilisation intempestive de la barrière amovible.