L’HISTOIRE . Les Safer sont souvent mal perçues par la profession agricole, qui leur reproche l’opacité de leurs opérations. La Safer Poitou-Charentes n’y a pas échappé. Elle avait acquis un ensemble de bois et taillis. Le GFA du Rosier, qui les convoitait depuis longtemps, s’était porté candidat à l’acquisition. Au détriment de ce dernier et à l’issue des formalités de publicité en vue de la rétrocession des parcelles, la Safer avait choisi de retenir la candidature d’Yvon.

LE CONTENTIEUX. Alexis, gérant du GFA, ne pouvait l’accepter. Il avait assigné la Safer et Yvon en nullité de la décision de rétrocession. Il a formé sa demande sur la base des articles L. 143-3 et R. 143-4 du code rural. Ces dispositions précisent que « les Safer doivent motiver et publier la décision de rétrocession et annoncer préalablement à toute rétrocession son intention de mettre en vente les fonds acquis par préemption ou à l’amiable ».

Ces motifs qui ont déterminé le choix de la Safer doivent être transmis au candidat non retenu et être renseignés dans la décision de rétrocession. Ils doivent être de nature à permettre à celui-ci de vérifier la réalisation des objectifs poursuivis par l’opération réalisée par la Safer conformément aux exigences de la loi. Or, Alexis avait reçu une lettre de la Safer qui l’informait que « le bien avait été attribué à Yvon dans le cadre de son projet de gestion et d’exploitation forestière ». Une telle information ne correspondait pas, selon lui, à une motivation suffisante. Il reprochait à la décision d’être entachée de dol. Ce n’était pas Yvon qui devait profiter des parcelles, mais sa société. De leur côté, la Safer et Yvon avaient fait valoir que la motivation était suffisante. Dans sa rédaction, elle permettait selon eux de connaître le projet envisagé par Yvon. Les juges d’instance et d’appel leur avaient donné raison. Ils ont considéré que le motif de la gestion et de l’exploitation d’un bien forestier entrait bien dans les missions de la Safer.

Mais la Cour de cassation, saisie par le GFA, s’est montrée plus rigoureuse. Elle a rappelé que la motivation de la décision de rétrocession devait permettre au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales. Or la décision notifiée à Alexis n’était pas suffisamment motivée. Suffisant pour que la Cour de cassation censure les juges du fond.

L’ÉPILOGUE. Puisque la décision de la Safer ne contenait pas de motifs suffisants, la cour de renvoi ne pourra que l’annuler.

La Safer devra procéder à un nouvel appel à candidature auquel Yvon et le GFA pourront répondre. Mais ce dernier sera-t-il retenu ? Rien ne permet de l’affirmer. Tout dépendra du sérieux de son projet. Le procès lui aura au moins donné une seconde chance !