L’histoire. Antoine avait acheté sur l’île de Beauté un joli terrain bordé d’oliviers et de genêts. Après s’être renseigné auprès de la commune qui lui avait délivré un permis de construire, il y avait édifié la villa de ses rêves, avec un beau balcon qui permettait de profiter d’une belle vue sur la mer. Son voisin, Maxime, qui occupait un mas situé de l’autre côté du chemin d’accès à la villa d’Antoine, avait vu cette construction d’un mauvais œil. La terrasse construite avait ouvert des vues droites sur sa parcelle, occasionnant un risque d’indiscrétion. Se sentant blessé dans son intimité, cette situation ne pouvait perdurer pour Maxime.

LE CONTENTIEUX. Il avait assigné son voisin devant le tribunal de grande instance en démolition sous astreinte du balcon. Maxime estimait avoir le droit pour lui, à la seule lecture de l’article 678 du code civil : « On ne peut avoir des vues droites, […] ni balcon sur l’héritage clos ou non clos de son voisin s’il n’y a dix-neuf décimètres (1,90 mètre) de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage. »

Les plans du cadastre établissaient que la bande de terrain servant d’assiette au chemin d’accès aux deux maisons était rattachée à sa parcelle. Maxime estimait donc être propriétaire du chemin. Antoine devait dès lors respecter la distance visée au code civil, ce qu’il n’avait pas fait, puisque le balcon et la vue avaient été réalisés à moins de 1,90 mètre du fonds de Maxime. Antoine avait tenté de démonter cette prétention. Le chemin d’accès séparant les fonds était un chemin non cadastré relevant du domaine communal sur lequel aucun droit de propriété ne pouvait être revendiqué par quiconque. Aussi, la distance minimum séparant sa villa du mas de Maxime était largement respectée. Il n’était donc pas question de l’obliger à démolir son balcon et de le priver de sa vue sur la mer.

Mais les juges ne l’ont pas entendu ainsi. Ils ont considéré que la bande de terrain sur laquelle Maxime revendiquait un droit de propriété était un chemin ouvert à tous, qui servait pour la desserte de diverses parcelles. Il s’agissait donc d’un espace privé à usage commun entre les différends fonds ainsi desservis. Il s’ensuivait que les vues réalisées par Antoine à moins de 1,90 mètre du mas de Maxime étaient irrégulières et devaient être démolies. Antoine a saisi la Cour de cassation. Celle-ci a maintenu sa jurisprudence et a naturellement censuré l’arrêt. Les distances prescrites par l’article 678 du code civil ne s’appliquent que lorsque les fonds sont contigus. Or les fonds d’Antoine et de Maxime ne l’étaient pas et peu importait l’usage commun de la bande de terrain.

L’ÉPILOGUE. Antoine pourra profiter de la vue sur la mer depuis son balcon, et n’aura pas à retourner devant une cour d’appel. La Cour de cassation a cassé sans renvoi et rejeté la demande de Maxime en suppression des vues réalisées sur son fonds. Pour se protéger des indiscrétions de son voisin, il restera à Maxime la possibilité de planter en bordure de son mas, des arbres de haute futaie !