L’histoire

Yves avait loué à son fils Rémi un domaine agricole. Plusieurs années plus tard, il avait décidé de le vendre à Odile, sa voisine, qui souhaitait s’agrandir. Il avait alors fait rédiger par le notaire chargé de la vente un compromis comportant une clause par laquelle le locataire renonçait à son droit d’occupation à compter du jour de la vente. Rémi était intervenu à l’acte, avait déclaré s’engager à renoncer à son droit de préemption et à résilier la location verbale dont il bénéficiait sur les parcelles vendues. La régularisation de la vente ayant tardé, Odile avait assigné Yves et Rémi devant le tribunal paritaire en constatation de la vente et en paiement de pénalités.

Le contentieux

Pour Odile, rien ne pouvait s’opposer à ce que l’opération devienne définitive. Rémi avait, devant le notaire, participé à la rédaction du compromis de vente et avait clairement renoncé à son droit de préemption. Aussi, la vente devait dès lors être regardée comme parfaite. Pour elle, sa régularisation s’imposait et, donc, les pénalités de retard prévues au contrat étaient dues. Devant le tribunal, Yves et Rémi avaient fait valoir que le compromis de vente était caduc et ils avaient opposé à Odile un argument juridique pertinent. Le preneur peut utilement, selon eux, renoncer au bénéfice de son droit de préemption une fois la notification effectuée par le notaire dans les conditions de l’article L. 412-8 du code rural. Cette notification fait connaître au preneur, bénéficiaire du droit de préemption, le prix, les charges, les conditions ainsi que les modalités de la vente projetée, et elle seule vaut offre de vente. Le preneur dispose alors d’un délai de deux mois pour se prononcer à compter de cette notification. Aussi, avant cette date, le droit n’est pas né et toute renonciation anticipée devient sans effet.

Or le notaire, qui avait rédigé le compromis, n’avait pas cru utile d’adresser à Rémi une notification puisqu’il avait participé à l’acte. Sa renonciation au bénéfice du droit de préemption et le compromis dans son ensemble étaient donc caducs. Mais les juges n’étaient pas de cet avis. Ils avaient estimé que le compromis de vente valait vente. En effet, Rémi qui avait participé à cet acte et avait été informé des conditions et modalités de la cession, n’avait pas fait connaître sa décision d’user de son droit de préemption dans les deux mois ayant suivi sa signature.

Yves et son fils se sont pourvus en cassation et leur thèse a finalement été accueillie. L’arrêt d’appel a été cassé car les juges n’avaient pas constaté que le notaire avait adressé au preneur une offre formulée selon des formes et un contenu impératifs. La Cour de cassation a donc considéré qu’il avait violé l’article L. 412-8 du code rural.

L’épilogue

Devant la cour de renvoi, Yves et Rémi pourront faire juger la caducité du compromis de vente et les parties au contrat se retrouveront, alors, dans l’état initial antérieur à la vente. Cela permettra une nouvelle aliénation en respectant les formes. Mais la solution retenue par la Cour de cassation ne fait-elle pas une part un peu trop belle au formalisme visé au statut du fermage, en protégeant Rémi qui, lors de la rédaction du compromis, avait clairement exprimé son intention de renoncer à son droit de préemption ? La question reste posée.