L’HISTOIRE. France avait conclu avec Joseph un bail à métayage. Il lui permettait, à hauteur du partage prévu par le contrat, de bénéficier des profits dégagés par l’exploitation en contrepartie des dépenses qu’elle générait. Mais au fil des années, les rapports entre France et Joseph s’étaient dégradés, au point que France n’avait eu de cesse la volonté de mettre fin au bail en raison de la mésentente entre les parties.
Pour ce faire, elle pensait avoir une bonne idée. Ayant constaté que son métayer ne justifiait d’aucune autorisation d’exploiter, France avait décidé de saisir le tribunal paritaire en annulation du bail à métayage.
LE CONTENTIEUX. Elle s’était renseignée auprès de la chambre d’agriculture. L’article L. 331-6 du code rural impose au preneur de faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail, la superficie et la nature des biens qu’il exploite et mention en est faite dans le bail.
Si le preneur est tenu d’obtenir une autorisation d’exploiter en application de l’article L 331-2, la validité du bail est subordonnée à l’octroi de cette autorisation. Et le texte fixe une sanction : « Le refus définitif de l’autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d’autorisation […] dans le délai imparti par l’autorité emporte la nullité du bail que le bailleur peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux ». Pour France, la sanction s’imposait. Joseph ne justifiait d’aucune autorisation d’exploiter alors qu’elle était nécessaire en raison de la superficie mise en valeur. Mais Joseph avait sorti un joker tiré de la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle précisait que la sanction du défaut d’autorisation d’exploiter est subordonnée à une mise en demeure préalable de régulariser la situation. Aussi, seul le refus du preneur, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure administrative d’autorisation d’exploiter peut entraîner la nullité du bail et l’impossibilité pour l’intéressé de poursuivre l’exploitation. Or, en l’espèce, aucune mise en demeure d’avoir à solliciter une autorisation d’exploiter n’avait été notifiée à Joseph.
Les juges ont été convaincus par cet argumentaire. Ils ont confirmé que seul le refus définitif de l’autorisation d’exploiter ou la non-présentation de la demande dans le délai imparti par l’autorité administrative emporte la nullité du bail. Nullité que le bailleur peut faire prononcer par le tribunal paritaire. Or, France s’était bornée à faire valoir que Joseph ne justifiait d’aucune autorisation, ce qui était sans conséquence au regard du formalisme dégagé par la jurisprudence. La nullité du bail n’était donc pas encourue et la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi par France, n’a pu que confirmer la décision des juges du fond.
L’ÉPILOGUE. Joseph pourra poursuivre le métayage en toute tranquillité, à moins que France saisisse à nouveau le tribunal paritaire en résiliation du bail en se fondant sur la mésintelligence entre les parties. Mais, ce faisant, elle courra le risque que Joseph ne se saisisse ainsi l’occasion pour demander la conversion du bail à métayage en bail à ferme.