L’histoire

Louis avait pris à bail rural diverses parcelles comprenant un hectare de terre labourable à prendre sur un tènement (parcelles contiguës) plus étendu et constitué d’un bois. En vue d’exploiter les parcelles, Louis avait dû modifier l’accès au bois, ce qui n’avait pas plu à Thierry, le bailleur. Aussi, ce dernier avait-il notifié à Louis un congé lui refusant le renouvellement du bail.

Le contentieux

Louis avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé et Thierry avait, de son côté, sollicité, par voie reconventionnelle, la résiliation du bail. Son avocat, praticien du statut du fermage, connaissait l’article L. 411-31-I du code rural. Ce texte précise que les agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds constituent un motif permettant au bailleur de demander la résiliation du bail et de refuser son renouvellement.

Or en l’espèce, il ne faisait aucun doute que Louis avait outrepassé les droits qui lui étaient reconnus par le bail, en modifiant l’accès au bois dont Thierry s’était réservé la jouissance. Il n’était pas sérieusement contesté, au vu des photos versées aux débats, que Louis s’était accaparé une surface qui ne faisait pas partie de l’assiette du bail, en détruisant notamment le chemin qui permettait d’accéder au bois, occupant la plus grande partie de la parcelle, et dont Thierry avait conservé la jouissance. Aussi, en agissant de la sorte, Louis avait bien commis des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Mais ce dernier s’était défendu en invoquant l’imprécision du bail. D’une part, il ne mentionnait pas l’existence d’un chemin d’accès au bois, qui n’apparaissait pas non plus sur les plans cadastraux. D’autre part, il l’autorisait à prendre un hectare de terre labourable dans la parcelle cultivable beaucoup plus grande, ce qui excluait toute obligation de laisser un accès au bois prétendument non compris dans l’assiette du bail.

Cet argument n’avait pas convaincu les juges qui avaient prononcé la résiliation du bail. L’accès au bois était rendu très difficile, sinon impossible, ce qui était de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds selon eux. Ce disant, les juges n’avaient-ils pas commis une grave erreur ? La Cour de Cassation, saisie du recours de Louis, a conclu en censurant la cour d’appel. La résiliation du bail ne peut être justifiée que par une atteinte caractérisée à la bonne exploitation du seul fonds loué.

L’épiloque

Aussi, la cour de renvoi ne pourra que constater que, le manquement reproché à Louis n’affectant pas le seul fonds loué, la résiliation du bail n’était pas justifiée. Pourtant, on peut comprendre que Thierry ait souhaité que Louis remette en état l’assiette du chemin permettant d’accéder au bois. Examiné sous cet angle, le litige aurait pu trouver une solution en se fondant sur l’article 1728 du code civil, qui fait obligation au preneur d’user de la chose louée en bon père de famille. Ceci implique qu’il ne peut porter atteinte à la jouissance paisible­ du bailleur sur une parcelle non comprise dans l’assiette du bail.