L’histoire

Lucile avait fait construire au pied du mont Ventoux un joli mas avec piscine. De l’autre côté du chemin communal, son voisin Cyrille avait aménagé une vieille demeure familiale, qui bénéficiait de l’ombre d’un cèdre centenaire. Certaines branches du cèdre qui dépassaient la propriété agricole de Cyrille venaient parfois caresser le mur de clôture du mas de Lucile et envoyaient des brindilles sur la terrasse de sa piscine. Aussi, Lucile avait-elle demandé à Cyrille d’élaguer son cèdre, ce qu’il avait refusé.

Le contentieux

Lucile avait donc saisi le tribunal d’instance sur le fondement de l’article 673 du code civil. Ses dispositions confèrent au propriétaire du fonds sur lequel s’étendent les branches d’un arbre implanté sur le fonds de son voisin le droit imprescriptible de les couper. Les photos et le constat produits par Lucile devant le juge établissaient, sans équivoque, que plusieurs branches du cèdre de Cyrille débordaient sur le chemin et venaient frotter le mur de clôture de son mas. Les jours de Mistral, des brindilles envahissaient la terrasse et la piscine, ce qui constituait un trouble anormal de voisinage. Cyrille devait être condamné, selon elle, à faire procéder à un élagage sévère du cèdre et à l’indemniser pour les désagréments occasionnés.

Mais Cyrille n’entendait pas porter atteinte à son cèdre centenaire. Il avait démontré que si des branches étaient toutes proches du mur de clôture du mas de Lucile, elles n’avançaient pas de manière caractérisée sur ce mur. Et il avait trouvé sur le site public legifrance.fr un arrêt selon lequel l’article 673 du code civil n’est pas applicable aux fonds séparés par un chemin privé. Or, sa propriété était séparée du mas de Lucile par un chemin communal ouvert au public. La demande de Lucile, mal fondée, devait être selon lui écartée.

Le juge d’instance avait donné raison à Cyrille en écartant la demande de sa voisine. D’une part, les photographies produites démontraient que les branches du cèdre ne débordaient pas de façon significative sur le fonds de Lucile. D’autre part, l’arbre quasi centenaire périrait de manière certaine s’il était élagué, ce qui provoquerait un dommage irréparable à l’écosystème local.

Saisie par Lucile, la Cour de cassation a approuvé la décision du juge en se fondant sur sa jurisprudence. L’article 673 du code civil, qui permet au propriétaire d’un fonds sur lequel s’étendent les branches d’un arbre planté sur le fonds de son voisin de contraindre ce dernier à les couper, n’est applicable qu’aux fonds contigus. Or, la parcelle de Lucile ne jouxtait pas celle de Cyrille, dont elle était séparée par une voie publique.

L’épilogue

L’écosystème local est sauvegardé. Les usagers du chemin communal pourront, lors de leur randonnée, continuer à admirer le cèdre centenaire de Cyrille. Lucile devra s’astreindre à balayer sa terrasse et à ramasser les brindilles flottant dans le bassin de sa piscine.