L’histoire

Les chiens et les chevaux ne font pas toujours bon ménage. Blandine l’a appris à ses dépens. Cavalière de bon niveau, elle avait entrepris une promenade équestre qui ne devait présenter aucun danger. Toutefois, au sortir d’une impasse ouverte à tous, deux gros chiens, laissés en liberté par son propriétaire agriculteur, et qui jouaient ensemble, s’étaient soudain mis à courir vers la cavalière en aboyant fortement. Le cheval de Blandine était parti au galop en ressortant de l’impasse et avait fini par se prendre les pieds dans une clôture provoquant la chute de la cavalière dans le fossé. Blessée, Blandine avait été hospitalisée.

Le contentieux

La recherche de responsabilité était inévitable : Blandine avait assigné Alain, le propriétaire des chiens, et son assureur devant le tribunal de grande instance en indemnisation de ses préjudices. L’avocat de Blandine, qui connaissait le droit équin, avait invoqué l’article 1385 du code civil (devenu 1243). Selon ce texte, le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que celui-ci soit sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. Ce texte édicte une présomption de responsabilité du propriétaire ou du gardien de l’animal dont le comportement actif ou passif a occasionné l’accident.

Or, les chiens d’Alain étaient bien sous sa garde, échappés ou égarés, et avaient joué un rôle actif dans la survenance de la chute de cheval de Blandine. Ce rôle n’était-il pas établi ? Selon deux passants, qui avaient assisté à l’accident, les deux gros chiens avaient bien affolé le cheval de Blandine. Il était parti au galop jusqu’à désarçonner sa cavalière.

Pour Blandine, il n’y avait aucun doute. La responsabilité de l’accident incombait à Alain. Pourtant ce dernier et son assureur ne l’entendaient pas ainsi. D’une part, en l’absence de contact matériel avec Blandine ou son cheval, le rôle actif des chiens n’était pas avéré selon eux. D’ailleurs, les canidés ne s’étaient pas approchés à moins de 10 m de la cavalière. D’autre part, Blandine qui avait remarqué leur présence dans l’impasse n’avait-elle pas fait preuve d’imprudence en s’engageant dans celle-ci avec son cheval ? Mais les juges avaient balayé cette argumentation. La chute de Blandine, cavalière confirmée, ne pouvait s’expliquer que par l’emballement de son propre cheval du fait des chiens, non tenus en laisse et débouchant en courant d’un talus. Une situation qui caractérisait un comportement anormal des animaux. Alain devait dès lors indemniser la cavalière. Saisie par le propriétaire des chiens et son assureur, la Cour de cassation n’a pu ensuite qu’approuver la décision des juges du fond.

L’épilogue

Sauf à imaginer que chacun devrait renoncer à toute promenade du seul fait de la présence de chiens, l’acceptation des risques normaux de la part d’un cavalier ne s’étend pas à la rencontre de deux gros chiens courant dans sa direction. Il appartient à leur maître de veiller qu’ils n’effrayent pas les animaux ou les personnes rencontrés sur la voie publique.