L’histoire

Son régime antérieur étant jugé le plus souvent excessif, la loi du 17 juin 2008 était venue modifier la durée de la prescription. Ainsi, l’article 2224 du code civil a ramené le délai de droit commun de la prescription extinctive de trente à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières. L’action en paiement du salaire différé en fait partie. Ce délai, qui court à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, conditionne la capacité pour agir. Quentin a pu le vérifier. Après avoir participé pendant plusieurs années aux travaux sur l’exploitation familiale et à la suite du décès de ses parents, il avait assigné ses frères et sœurs en partage de la succession et en paiement d’une créance de salaire différé.

Le contentieux

Devant le tribunal, les frères et sœurs de Quentin avaient soutenu que son action était prescrite. La prescription trentenaire, qui avait commencé à courir au jour du décès de leur père, avait été remplacée par la nouvelle prescription quinquennale, fixée par la loi du 17 juin 2008 et applicable à compter du 19 juin 2008. En l’espèce, le délai ayant expiré le 19 juin 2013, l’action de Quentin, engagée le 14 octobre 2014, était prescrite. Pourtant, ce dernier avait soulevé un argument juridique pertinent, tiré de l’article 2234 du code civil. Pour lui, la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l’impossibilité d’agir, compte tenu de l’existence d’une action en justice dont l’issue rendrait inefficace la demande qu’il aurait dû formuler. Or en l’espèce, Quentin avait bien invoqué une procédure devant la cour d’appel, portant sur l’annulation de la vente à la Safer des parcelles constituant l’actif de la succession de ses parents. Aussi, tant que cette procédure n’avait pas abouti, son action en reconnaissance d’une créance de salaire différé était vaine selon lui. Il en concluait qu’il se trouvait confronté à une impossibilité d’agir suffisante pour suspendre le délai de prescription.

Mais le tribunal n’avait pas été sensible à l’argument. En effet, l’existence d’actifs dans la succession de l’exploitant n’est pas une condition de recevabilité d’une créance de salaire différé. Aussi, la vente des parcelles, invoquée par Quentin, ne constituait pas un événement de nature à suspendre le délai de prescription. Dès lors, sa demande était bien prescrite.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, avait ensuite confirmé la solution. Le point de départ du délai de cinq ans devait être fixé à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin. Quant au litige relatif à la vente des parcelles de l’indivision, il ne constituait pas un obstacle à l’exercice de l’action en paiement de la créance de salaire différé.

L’épilogue

La solution est rigoureuse pour Quentin. Il se trouve dans l’impossibilité de bénéficier du salaire différé auquel il avait droit. Il faut donc retenir que, désormais, l’héritier qui a vocation à obtenir le paiement d’un salaire différé doit agir dans les cinq ans à compter du décès de son auteur.