L’HISTOIRE. Paul avait souhaité prendre sa retraite au soleil. Il avait fait construire une jolie villa sur un terrain d’un lotissement situé au pied du mont Ventoux. Afin de se protéger des indiscrétions du voisinage, il avait décidé de faire construire un mur de clôture entre son terrain et celui de Pierre, son voisin. Prudent, il avait pris la précaution de le bâtir en retrait de trois centimètres de la limite séparative. Par souci de réciprocité, Pierre avait décidé alors d’édifier son propre mur, un mélange de béton et de pierre, qu’il avait malencontreusement accolé à celui de Paul. Résultat : un empiétement de trois centimètres…
LE CONTENTIEUX. Paul ne pouvait accepter ce grignotage sur son terrain. Il avait assigné Pierre devant le tribunal de grande instance en démolition de la construction adossée à son mur. Pour justifier sa demande, Paul avait invoqué l’article 545 du code civil disposant que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et ce, moyennant une juste et préalable indemnité ». Aussi, par voie de conséquence, tout empiétement d’une construction sur partie de la propriété voisine peut donner lieu à démolition de l’ouvrage quand le propriétaire du fonds l’exige. Qu’importe que cet empiétement soit modeste. Le tribunal avait alors ordonné une expertise sur place, qui avait révélé que suite à la construction du mur de clôture de Pierre, le fonds de Paul avait été affecté d’empiétement au niveau de la partie basse du mur. Et l’expert avait précisé dans son rapport qu’il n’était pas techniquement possible de les supprimer sans avoir à démolir l’intégralité du mur édifié par Pierre. Ce que ce dernier ne pouvait accepter. L’expert avait lui-même constaté que le mur de clôture réalisé sur son fonds n’avait pas créé de dommages sur la construction de Paul. Et s’il existait quelques empiétements sur le fonds de Paul, ils étaient très localisés en partie basse du mur et très peu visibles. La sanction de la démolition n’était-elle pas disproportionnée eu égard au caractère très minime des quelques centimètres de dépassement et en l’absence de tout dommage ?Le tribunal et la cour d’appel se sont pourtant montrés intransigeants. Ils ont constaté qu’à la suite de la construction du mur de clôture de Pierre, le fonds de Paul subissait bien des empiétements. Et ils ont retenu qu’aucun élément ne permettait de conclure qu’il était techniquement possible de les supprimer. La démolition devait être ordonnée. Devant la Cour de cassation, Pierre avait à nouveau soutenu que le juge devait apprécier la proportionnalité d’une sanction en ayant égard à ses conséquences et aux intérêts et droits en présence. Mais son pourvoi a été rejeté.
L’ÉPILOGUE. Parce qu’il a été imprudent, Pierre aura appris à ses dépens que tout empiétement est une atteinte au droit de propriété consacré par l’article 544 du code civil, que son auteur doit être condamné à réparer. Mais la démolition n’est pas la seule sanction possible : le propriétaire imprudent peut bénéficier d’une seconde chance si le juge constate qu’il est techniquement possible de supprimer l’empiétement.