L’HISTOIRE. Les praticiens ne devraient pas ignorer le strict formalisme dans lequel est enfermée la mise en œuvre du statut du fermage.
Joëlle, propriétaire d’un ensemble de parcelles à vocation céréalière, les avait données à bail à Ludovic. Les années passant, elle avait constaté de nombreux retards dans le paiement des fermages. Aussi, avait-elle fait signifier par un huissier de justice à Ludovic, deux mises en demeure à trois mois d’intervalle. Elles visaient l’article L. 411-53 du code rural, et précisaient que « le défaut de paiement lui permettrait de se prévaloir des dispositions de ce texte pour ne pas renouveler le bail, sans préjudice de son droit d’en demander la résiliation ».
Ces mises en demeure étant restées sans effet, Joëlle avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.
LE CONTENTIEUX. Mais cette demande pouvait-elle aboutir, alors que les mises en demeure, sur lesquelles la demande de résiliation était fondée, visaient l’article L. 411-53 du code rural concernant le refus de renouvellement du bail ?
Pour Joëlle il n’y avait pas d’hésitation à avoir. L’inexactitude commise sur la référence du texte, n’était pas de nature à induire le preneur en erreur. Les motifs de refus de renouvellement, et notamment les défauts de paiement des fermages, visés à l’article L. 411-53, étaient également ceux indiqués à l’article L. 411-31, consacré à la résiliation du bail. Aussi, eu égard aux conditions de fond et de forme auxquelles doit satisfaire le bailleur, peu importait que ce dernier eût visé l’un ou l’autre de ces textes dans les mises en demeure.
Pour Ludovic, il fallait s’en tenir au fondement juridique de la demande. Joëlle ne pouvait justifier une action en résiliation du bail en se fondant sur un texte concernant le refus de renouvellement. Les juges lui ont donné raison. Les mises en demeure reprenaient des dispositions qui régissaient le refus de renouvellement par le bailleur et non la résiliation du bail. Elles indiquaient que le défaut de paiement permettrait à la bailleresse de se prévaloir de l’article L. 411-53 « pour ne pas renouveler le bail ».
Or, les juges n’étaient pas saisis d’une opposition au renouvellement, mais bien d’une demande de résiliation du bail, pour laquelle la procédure n’était pas respectée. À la lecture des mentions figurant dans les mises en demeure, Ludovic ne pouvait pas connaître la portée précise de la sanction encourue pour le cas où il ne respecterait pas les termes des mises en demeure. Le visa de l’article L. 411-53 était donc de nature à l’induire en erreur, et ne pouvait fonder la demande de résiliation du bail. Ce qu’a confirmé la Cour de cassation en rejetant le pourvoi de Joëlle.
L’ÉPILOGUE. Celle-ci pourra se consoler en se retournant contre l’huissier de justice qui avait commis une faute en visant, dans les mises en demeure, un texte inapproprié. Mais il lui sera plus utile de veiller à délivrer, en temps utile, un congé fondé sur le même motif et le même texte, pour s’opposer cette fois au renouvellement du bail.