Un veau par vache et par an. Pour Guylaine Trou, des chambres d’agriculture de Bretagne, ce message encore largement véhiculé dans les campagnes n’est plus au goût du jour. « Le marché du veau s’est tendu et la persistance laitière des vaches a bien progressé depuis le début du siècle, souligne-t-elle. Allonger l’intervalle vêlage-vêlage (IVV) n’est plus synonyme de pertes économiques. »
Privilégier les primipares
Pour la chargée d’études, prolonger volontairement la lactation de quelques mois présente de nombreux avantages, à apprécier en fonction du profil des exploitations. « Moins de vêlages, c’est moins de périodes sanitaires à risque pour les vaches, une charge de travail allégée sur certains postes et un désengorgement du marché du veau. » Augmenter l’IVV est une pratique réversible, nécessitant un travail préalable sur le choix des animaux.
En se basant sur un essai conduit à la station de Trévarez entre 2006 et 2011, avec des prim’holsteins à 8 000 kg et 18 mois d’IVV, Guylaine Trou vante la persistance laitière des primipares « qui dépassent la productivité des multipares après 40 semaines de lactation ». Ces dernières font donc de bonnes candidates pour les lactations longues. Les multipares à haut niveau de production également, « à condition d’être en bonne santé et saines au niveau des cellules ». En races mixtes, comme les montbéliardes ou les normandes, « la marge de manœuvre est moindre car la reprise d’état est plus rapide ». Un ajustement de la ration peut être envisagé, pour maîtriser l’engraissement.
« Il n’est pas nécessaire de passer tout le troupeau en lactations longues pour en tirer un bénéfice », souligne Guylaine Trou. Les stratégies sont diverses : garder plus longtemps une vache présentant des problèmes de fertilité, n’allonger que les vaches les plus productives ou bien celles n’assurant pas le renouvellement. « Le raisonnement peut être fait au cas par cas, selon les objectifs de l’éleveur et le profil des laitières. » Quant au moment propice pour le tarissement, tout dépend du seuil minimal de productivité que peut accepter l’éleveur. Tout en veillant à ne pas tomber trop bas, pour éviter les tarissements spontanés associés à des périodes sèches plus longues.
Perte en lait limitée
Dans l’essai mené à Trévarez, les laitières à 18 mois d’IVV ont en moyenne produit 640 kg de lait en moins que leurs comparses à 12 mois d’IVV. « Cela est limité, par rapport aux craintes entendues sur le terrain, et se rattrape aisément en renflouant le cheptel si le système de traite n’est pas saturé », indique Guylaine Trou. En parallèle, une hausse de la prévalence des boiteries est à prévoir, à cause de l’espacement des périodes de tarissement et des chevauchements répétés.
En cas de doute sur la pertinence des lactations longues dans une exploitation donnée, des simulations économiques intégrant la valorisation des veaux peuvent aider à y voir plus clair. Quoi qu’il en soit, « l’IVV doit se caler sur les objectifs et la stratégie de l’élevage, et non plus l’inverse », conclut la conseillère. A. Courty