Des prix du blé français au plus bas depuis juillet 2021

Si la semaine a été chargée en rapports gouvernementaux, la tendance baissière est toujours en place sur le complexe céréalier. Le blé rendu Rouen cède –8 €/t cette semaine, revenant sous le seuil des 200 €/t pour la première fois depuis juillet 2021.

La concurrence des blés des origines mer Noire reste forte. Compte tenu du rythme ukrainien à l'exportation de retour sur ses niveaux d’avant-conflit, l’USDA rehausse de 1 million de tonnes, à 15 millions de tonnes les exportations ukrainiennes. Dans le même temps, la Russie alimente cette pression internationale, afin de maintenir elle aussi une cadence à l'exportation soutenue : le blé Fob Novorossisk perd 8 $/t en une semaine, à 221 $/t.

Si les stocks disponibles à date sont concentrés entre l’Europe et le bassin mer Noire, la situation est plus fragile chez les autres grands exportateurs. Pour autant, l’office américain abaisse la consommation domestique de blé aux États-Unis, renforçant de près de plus de 300 000 tonnes les stocks de report à 17,9 millions de tonnes, dans la fourchette haute des attentes des opérateurs. Au Canada, les stocks de blé au 31 décembre s’affichent sans surprise à 20,7 millions de tonnes, selon Statcan. Face à une baisse de production en 2023 et d’exportations records sur la première partie de campagne, les stocks canadiens sont réduits de 10 % sur un an.

Quant à l’hémisphère Sud, l’USDA rehausse de 500 000 tonnes les exportations de l’Argentine et de l’Australie, respectivement à 10,5 millions de tonnes et 19,5 millions de tonnes. Si la consommation fourragère est abaissée en Argentine, la production australienne est revue à la hausse.

Enfin, du côté des importateurs, la production indienne sera à suivre, pour le moment estimée à 110,5 millions de tonnes, à l’heure où le gouvernement souhaite maintenir les droits de douane à l’importation.

Maïs : une semaine riche en rapport

Nouvelle semaine de baisse pour le marché du maïs, avec une variation hebdomadaire de –3 €/t, pour revenir à 171 €/t en base juillet rendu Bordeaux.

Après les rapports de cette semaine, les regards se tournent du côté de l’Amérique du Sud. Tout d’abord, la Conab (compagnie nationale d'approvisionnement) a revu la production brésilienne de maïs de 3,99 millions de tonnes, à 113,7 millions de tonnes. La baisse des surfaces de 573 000 hectares explique en grande partie cette révision tandis que l’USDA reste conservateur avec un chiffre de 124 millions de tonnes. Les exportations du pays sont logiquement abaissées de 2 millions de tonnes tandis que la poursuite des semis et le développement des cultures seront déterminants dans les prochaines semaines.

Plus au Sud, l’USDA a maintenu son estimation de production à 55 millions de tonnes. Les effets de la vague de sécheresse et de chaleur seront à quantifier mais le début de cycle a été optimal et le retour des pluies rassure. Ailleurs dans le monde, les exportations ukrainiennes de maïs restent dynamiques, incitant l’USDA à revoir son estimation en hausse de 2 millions de tonnes, à 23 millions de tonnes pour la campagne de 2023-2024.

Enfin, il sera intéressant de se tourner du côté des États-Unis dans les prochaines semaines. À l’approche des semis, l’écart de prix entre le soja et le maïs offre pour le moment plus de rentabilité pour le soja. Les perspectives d’emblavement de maïs s’affichent en baisse pour la prochaine campagne. Le début des semis et le développement des cultures seront à suivre mais la lourdeur actuelle du bilan américain rassure pour le moment les opérateurs.

Colza : les importations européennes de graine à suivre

Le prix du colza Fob Moselle poursuit son repli, perdant 11 €/t, à 412 €/t sur la semaine, sortant du canal des 420-450 €/t en place depuis septembre dernier. La graine hexagonale ne parvient ni à résister à la pression du complexe soja Outre-Atlantique, ni à la lourdeur des huiles végétales européennes. En effet, l’Ukraine maintient des exportations d’huile soutenues, avec plus de 500 000 tonnes d’huile de tournesol exportées en janvier pour le troisième mois consécutif.

Pour autant, si le rythme des importations européennes de graines de colza est jusqu’à présent en ligne avec les besoins à couvrir sur la campagne, il faudra à présent sécuriser des importations en provenance de l’Australie. Le repli des cours européens limite l’attractivité de la zone unique aux exportateurs australiens. De plus, les tensions en mer Rouge sont toujours d’actualité, les discussions pour un cessez-le-feu n’ayant pas abouti. C’est ainsi que le flux maritime par le canal de Suez reste perturbé. Si la situation devait se prolonger, l’Union européenne pourrait sourcer davantage en provenance du Canada. Cette origine gagne en compétitivité, le prix du canola Fob Vancouver chutant au début de février sous le seuil des 500 $/t pour la première fois depuis novembre 2020. D’ailleurs, les stocks domestiques au 31 décembre publiés par StatCan se renforcent à 12,85 millions de tonnes, contre 12,68 millions de tonnes un an plus tôt, notamment grâce à une production en hausse en 2023 et des exportations ralenties depuis le début de la campagne.

Soja : de bonnes disponibilités à l’échelle mondiale

Les prix des tourteaux de soja sont également orientés à la baisse, se repliant de –6 €/t pour revenir à 479 €/t en spot délivré Montoir.

Les récoltes progressent au Brésil et les disponibilités arrivent sur le marché mondial. Le début de cycle de production a tout de même été perturbé par la sécheresse et la Conab a revu hier son estimation de production brésilienne en baisse de 5,9 millions de tonnes, à 149,4 millions de tonnes. Face à cela, l’USDA reste bien plus conservateur en revoyant en très légère baisse de 1 million de tonnes son chiffre à 156 millions de tonnes.

En Argentine, malgré un début de cycle optimal, les conditions de culture continuent de se dégrader, avec désormais 22 % des surfaces en mauvaises ou très mauvaises conditions, contre 2 % il y a trois semaines. La récente vague de chaleur et de sécheresse a affecté les potentiels de production mais l’USDA maintient pour le moment son estimation inchangée à 50 millions de tonnes.

Malgré ces pertes, la production sud-américaine de soja sera supérieure à 200 millions de tonnes en 2024 et il sera plus difficile pour l’origine US de se positionner dans les prochains mois. Les ventes américaines ralentissent d’ores et déjà et l’USDA a revu son estimation d’exportation en baisse de près de 1 million de tonnes, alourdissant logiquement le bilan. Les disponibilités de graines restent confortables et le rythme de trituration continue de s’accélérer aux États-Unis, permettant l’approvisionnement de tourteaux de soja.

A suivre : compétitivité des offres mer Noire, rythme des exportations françaises, retour des précipitations en Argentine, progression des semis de maïs safrinha au Brésil, choix de l’assolement maïs/soja aux Etats-Unis, importations européennes de graines de colza, demande internationale en huiles végétales, tensions en mer Rouge.