Les prix continuent de grimper en blé, poussant l’orge fourragère. Ils montent en colza alors que l’orge de brasserie s’affaisse. L’ambiance sur le marché mondial du soja est lourde.
La hausse se poursuit en blé
Le blé est resté sur sa lancée ascendante en France malgré l’absence de l’Hexagone parmi les origines retenues par le Gasc égyptien cette semaine. C’était le premier achat de l’Égypte depuis le début de l’année 2020 ; le pays a contracté 300 000 tonnes à un prix moyen de 232,23 $/t Fob, en hausse de 10 $/t par rapport à son dernier achat de décembre. Avec le coût de l’acheminement, l’Égypte a payé environ 245 $/t à destination pour 120 000 tonnes de blé russe, autant de blé roumain et 60 000 tonnes de blé ukrainien. Les blés français n’ont pas été choisis mais leur prix était très proche de leurs concurrents. Cela illustre le fait qu’ils restent dans la course à destination de ce grand pays importateur.
Les prix mondiaux ont donc été soutenus par ce retour de l’Égypte aux achats et cela a été renforcé à la fin de la semaine par le sentiment que l’escalade du conflit entre les USA et l’Iran était peut-être terminée. En effet, le ministre des Affaires étrangères iranien a déclaré que les frappes contre des bases irakiennes concluaient la réponse de Téhéran après l’assassinat d’un général iranien par un drone américain la semaine dernière. Les inquiétudes que ce conflit a suscitées avaient tout de même fait s’affaisser les prix du blé au début de la semaine (particulièrement à Chicago), mais la tendance est bien repartie de nouveau à la hausse. Euronext affichait un gain de 3,5 €/t au milieu de la journée du 10 janvier, à 191,5 €/t, par rapport à sa valeur une semaine plus tôt. Les blés français ont gagné 2 €/t rendu Rouen et à La Pallice (à 187,75 €/t base juillet sur les deux places). Ils se retrouvent actuellement au plus haut depuis sept mois et cela découle largement d’une activité très importante à l’exportation sur les trois derniers mois de la campagne avec notamment plus de 1 million de tonnes de blé français exporté vers les pays tiers en décembre.
Une surface de blé encore basse aux USA ?
La faiblesse de la récolte australienne et l’ampleur des dégâts liés à la sécheresse dans ce pays restent des facteurs de tension : l’Australie a subi en 2019 l’année la plus chaude et sèche depuis que les enregistrements météo y existent. Son bureau météorologique annonce toutefois que des pluies sont prévues dans les prochains mois et qu’il existe pour le moyen terme des signes de retour vers une situation plus moyenne. Cela restera à suivre de près : d’ores et déjà, les surfaces pour la prochaine récolte, bien qu’attendues en hausse par rapport à celle de cette année, devraient rester assez basses en raison des déboires des dernières campagnes.
Ce soir, l’USDA (ministère américain à l’Agriculture) va publier ses premiers chiffres sur les surfaces ensemencées en blé d’hiver aux USA. Comme la récolte du soja a été retardée et que certains producteurs n’ont pas pu semer le blé à temps après le soja, il n’est pas exclu que la surface chute encore alors qu’elle a déjà atteint des niveaux bas les années précédentes.
Une ombre au tableau toutefois dans ce panorama haussier : des cas de fièvre porcine ont été détectés sur des sangliers en Pologne, à proximité de la frontière allemande. Pas de catastrophe ni de contamination des animaux d’élevage pour l’instant mais des inquiétudes à souligner sur d’éventuelles restrictions pour les exportations de viande de porc au départ de ces deux pays. La grippe aviaire, de son côté, continue de s’étendre en Pologne avec quatre nouveaux cas rapportés la semaine dernière.
Les orges brassicoles et le maïs en baisse
La hausse des prix du blé a poussé les prix de l’orge fourragère vers le haut cette semaine ces derniers gagnent 3 €/t à Rouen (à 164,75 €/t en base juillet) et se situent maintenant à 193 $/t Fob (orges chargées sur un bateau). Les orges françaises valent 8 $/t de plus que les orges russes désormais, ce qui n’est pas très favorable aux exportations. Au contraire, le prix des orges brassicoles de printemps a abandonné 2 €/t et cela apparaît cohérent avec la perspective d’un bilan lourd et de surplus en fin de campagne.
Après la hausse de la semaine dernière, les prix du maïs sont restés assez stables Fob Rhin (à 170 €/t base juillet) et ils ont même chuté de 1 €/t sur la façade atlantique, à 170 €/t aussi. Cette baisse a reflété l’évolution mondiale, la plupart des origines ayant perdu entre 1 et 2 $/t pendant la semaine en raison d’un moindre optimisme des opérateurs concernant les potentialités d’exportations US à la Chine. En effet, bien qu’il soit toujours prévu que la phase 1 de l’accord entre États-Unis et Chine soit signée le 15 janvier aux USA, les conséquences de cet accord sur l’accroissement des exportations de maïs US vers la Chine restent floues. La Chine a annoncé ne pas vouloir accroître ses quotas d’importations de céréales. Elle vient aussi d’annoncer qu’elle abandonnait son programme d’incorporation de 10 % d’éthanol dans les carburants : cela a constitué une douche froide pour les industries du pays qui ont déjà investi dans des usines mais aussi pour les producteurs d’éthanol US qui espéraient une progression de leurs exportations d’éthanol vers la Chine.
Malgré ce contexte légèrement baissier cette semaine, les prix marquent une pause aujourd’hui, et les opérateurs retiennent leur souffle dans l’attente, à 18 heures ce soir, de la publication de l’USDA. Ce dernier va remettre à jour son estimation de la production de maïs US. L’année 2019 y a été très perturbée par l’excès de pluie au moment de semis et pendant le cycle de développement des cultures et il n’est pas exclu que l’agence revoie en baisse son estimation de production.
Le colza grimpe encore
Soutenus par les faibles disponibilités en graines et en huile de colza, les prix continuent de monter pour le colza français cette semaine. Ils gagnent ainsi 7 €/t sur le marché physique, pour atteindre 416 €/t rendu Rouen et 422 €/t Fob Moselle. La demande croissante en huiles des secteurs industriels, dont celui du biodiesel, et agroalimentaire fait face à une offre limitée, en raison de la chute de récolte de colza dans l’UE en 2019. De plus, la surface semée à l’automne 2019 est plutôt modeste en raison de nouvelles complications climatiques (temps trop sec dans de nombreuses régions européennes). La production de colza ne devrait donc se rétablir que partiellement en 2020. Les conditions climatiques sont plutôt correctes dans l’ouest de l’UE, mais le déficit hydrique est toujours présent en Europe de l’Est. Dans la région de la mer Noire, à la suite d’un temps trop sec, l’humidité des sols est inférieure à la normale en Bulgarie, en Roumanie, en Moldavie, et dans l’ouest de l’Ukraine. Toutefois, la situation des sols est favorable en Pologne. Elle est proche de la norme en Europe centrale, en Allemagne et en France (à l’exception du sud-est). Les conditions climatiques des prochains mois seront décisives pour l’évolution des prix. Tout problème climatique pourrait faire grimper les prix du colza à des niveaux très élevés.
Le tournesol bondit
La demande en graines et huile de tournesol reste forte sur le marché mondial. Ainsi, la fermeture partielle du marché russe en raison des fêtes orthodoxes entraîne un rebond très fort du prix du tournesol. Il gagne notamment 15 €/t cette semaine à Saint-Nazaire, où il atteint 380 €/t. En mer Noire, les prix ont gagné 10 $/t, à 370 $/t pour les prix Fob.
Les prix des huiles végétales restent soutenus par la faible production mondiale au regard de la demande. En Asie du Sud-Est, la production d’huile de palme est inférieure à l’an passé depuis quatre mois. Elle est affectée par des aléas climatiques (sécheresse), le vieillissement des plantations de palmiers, et par un manque d’investissement lié aux prix mondiaux très bas durant le passé récent. Les achats d’intrants et pesticides ont été en dessous des niveaux habituels, affectant les rendements des arbres sur le long terme. Les stocks d’huile de palme diminuent ainsi fortement. Ils étaient de 2 millions de tonnes en Malaisie à la fin de décembre, contre 3,2 millions de tonnes un an auparavant. Le prix de l’huile de palme à Rotterdam était ainsi de 840 $/t au 9 janvier 2020 contre 525 $/t le 10 janvier 2019 (+60 % sur un an). Le cours de l’huile de tournesol aux Pays-Bas a, quant à lui, progressé de 25 % en 2019, à 845 $/t, et celui de l’huile de colza de 18 %, à 873 $/t.
Morosité sur le marché du soja
Le cours du soja à Chicago subit une perte cette semaine (–4 $/t, à 343 $/t). Il est affecté par les bonnes conditions météorologiques et le bon état des cultures brésiliennes. La production du Brésil pourrait battre un nouveau record si les conditions de développement des cultures restent favorables d’ici à la moisson. Le ministère brésilien de l’Agriculture prévoit une production de 122,2 millions de tonnes en 2020, en hausse de plus de 7 millions de tonnes par rapport à l’an passé. Les cours US diminuent également sous l’effet des récents achats de soja brésilien par des opérateurs chinois. Même si un accord commercial est sur le point d’être signé entre les USA et la Chine (le 15 janvier), ce qui devrait fluidifier les échanges de matières premières entre les deux pays, le soja US devra faire face durant les prochains mois à une rude concurrence de leurs rivaux sud-américains. Les semis argentins sont désormais réalisés à 92 % (95 % l’an passé à la même époque). La situation dans le nord du pays reste à surveiller, en raison du déficit hydrique des sols assez prononcé. En revanche, dans les régions productrices du centre et du sud du pays, les conditions sont plutôt humides et favorables au développement des plants.
Le prix du tourteau recule à la suite de la baisse du soja : il perd 5 $/t à Chicago et 10 €/t au Montoir. Le prix du pois fourrager grimpe suite à la hausse du blé et à un regain d’intérêt des acheteurs sur le marché français (+7 €/t sur la semaine, à 212 €/t départ Marne).
À suivre : climat pour les cultures d’hiver, semis de printemps, compétition UE/mer Noire en orge, rapport de l’USDA du 10 janvier sur les surfaces de blé aux USA pour la récolte de 2020, sur la production de maïs US en 2019 et sur les stocks US, activité à l’exportation en blé et orge, signature de la phase 1 du traité commercial entre la Chine et les US, prix du pétrole, demande en huiles végétales.