Comment assurer la souveraineté alimentaire tout en préservant la biodiversité ? C’est la question que pose le ministère de l’Agriculture au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Dans un rapport publié le 19 octobre 2023, l’organisme apporte des premiers éléments de réponse.
Les sept recommandations du CGAAER
Intitulé « Stratégie d’usage des terres en France dans l’objectif d’assurer la souveraineté alimentaire et de préserver la biodiversité », le rapport du CGAAER pointe l’impossibilité de concilier ces deux objectifs de politique publique sans définir à chacun un cadre juridique.
« Autant la protection de la biodiversité bénéficie d’un corpus législatif et réglementaire consistant et croissant, affirme le CGAAER, autant la protection de la souveraineté alimentaire ne bénéficie d’aucun dispositif de ce type. » En conséquence, l’objectif de souveraineté alimentaire est virtuel, obligeant les acteurs de terrain à arbitrer en faveur de la biodiversité en cas de litiges fonciers.
En l’état actuel, aucune stratégie d’usage des terres en France ne peut donc être menée, constate le rapport. Au fil de ses cinquante-huit pages, le CGAAER liste ses sept recommandations pour corriger ce « déséquilibre », insistant sur l’opportunité de la future loi d’orientation agricole.
1. Définir la souveraineté alimentaire
La définition de la souveraineté alimentaire doit être « stabilisée juridiquement » et ses objectifs « fixés », estiment les rapporteurs. La politique publique doit être comprise et partagée avec « tous les acteurs concernés publics et privés, tant au niveau national, et notamment interministériel, qu’au niveau local ».
2. Globaliser la gestion des territoires
Le rapport propose d’imposer des « règles contraignantes » au niveau intercommunal en vue d’une gestion plus globale des territoires et d’une meilleure prise en compte de tous les enjeux liés aux arbitrages sur le foncier.
3. Créer un principe de non-régression
À l’image de ce qui existe en matière environnementale, un principe de non-régression de souveraineté alimentaire doit être introduit dans la loi pour maintenir des surfaces agricoles à usage alimentaire en France lors d’arbitrages sur le foncier. Le rapport définit le principe de non-régression en matière environnementale : « C’est le principe selon lequel la protection de l’environnement […] ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
4. Réformer la fiscalité du foncier agricole
La fiscalité du foncier agricole étant jugée « défavorable » à l’usage agricole et à la biodiversité, les rapporteurs proposent de la réformer pour limiter l’artificialisation des terres agricoles. Ils citent la « surtaxation du foncier agricole » et « l’effet ciseaux d’une taxation des terres agricoles qui progressent nettement plus vite que leur revenu brut ».
5. Mesurer les impacts de la transition agroécologique
Un programme de recherche doit être engagé sur les impacts prévisibles de la transition agroécologique sur le revenu des agriculteurs au cours des dix prochaines années pour adapter les trajectoires en matière de biodiversité et de souveraineté alimentaire.
6. Compléter la stratégie nationale
Les rapporteurs proposent que la question des arbitrages fonciers en faveur de la souveraineté alimentaire, et notamment le principe de non-régression, soit intégrée dans la stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC). Les recommandations du rapport « Projets alimentaires territoriaux : plus vite, plus fort, plus loin » doivent également être prises en compte.
7. S’engager pour le foncier agricole et forestier
La « situation réelle du foncier agricole » doit être mieux connue pour « fonder correctement les arbitrages fonciers de toute nature (agriculture, infrastructures de transport, habitat, biodiversité, forêts…). Le ministère en charge de l’Agriculture et de la Forêt doit se réengager pleinement sur la question du foncier agricole et forestier, proposer en conséquence les travaux de recherche nécessaires et des adaptations des outils en place. »
Au total, conclut le rapport, « la protection de la biodiversité et la souveraineté alimentaire doivent bénéficier d’un même volontarisme politique ».